Loi contre le terrorisme
En septembre dernier, le parlement a mis sous toit une nouvelle loi destinée à renforcer les pouvoirs de la police pour contrer la menace terroriste. Le projet est jugé autoritaire par les référendaires et une partie de la communauté internationale, qui récolteront des signatures pour tenter de s’y opposer

«De telles lois sont familières aux dictatures mais pas aux Etats démocratiques!» s’emporte Nicolas Siegrist (ZH), vice-président des Jeunes socialistes suisses. Ce mercredi, une coalition formée des sections jeunes des partis socialistes, verts et vert’libéraux ainsi que du Parti pirate suisse a lancé un référendum contre la nouvelle loi contre le terrorisme. Adoptée au parlement fédéral en septembre dernier, la réforme judiciaire destinée à renforcer les pouvoirs de la police est jugée abusive par la gauche, qui bénéficie du soutien de plusieurs organismes internationaux. Comme la loi comprend des clauses permettant de prendre des mesures contre des mineurs, une attitude répressive des autorités vis-à-vis des jeunes militants est particulièrement redoutée par les référendaires.
Assigné à résidence dès 15 ans
Que dit cette réforme? Destiné à «compléter l’arsenal policier de lutte contre le terrorisme», dixit le Conseil fédéral, le texte permettra d’agir si un individu représente une menace «mais que les indices ne suffisent pas pour ouvrir une procédure pénale». Cela également «de manière préventive». Dans les faits, elle ouvrirait la porte à des interdictions de périmètre ou de contact avec certaines personnes ainsi qu’à des surveillances à l’aide de bracelets électroniques pour les enfants dès l’âge de 12 ans. Cela sur la base «d’indices» et sans passer devant un juge. Une simple «présomption de dangerosité» suffirait également, dès l’âge de 15 ans, à se faire assigner à résidence pendant plusieurs mois après une décision judiciaire hors procédure pénale.
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En mai 2019, Fedpol assurait que ces réformes ne concerneraient que «quelques dizaines de personnes». La menace terroriste en Europe demeure en outre importante, a souligné plusieurs fois au cours du processus parlementaire la ministre de la Justice, Karin Keller-Sutter (PLR/SG): «La répression ne suffit pas, a-t-elle ajouté, il faut également une action préventive.» Interpellée au sujet du très jeune âge des personnes visées par la loi, la conseillère fédérale a rétorqué que «les mineurs aussi pouvaient se radicaliser» et rappelé qu’en droit pénal «des sanctions peuvent être prises contre des enfants dès l’âge de 10 ans». Tout en garantissant que le bien de l’enfant serait respecté et que la priorité serait donnée à des mesures éducatives.
«Tout citoyen peut devenir une menace terroriste»
Ces explications n’ont pas convaincu la gauche, soutenue par divers acteurs internationaux: Cinq rapporteurs spéciaux de l’ONU pour commencer, dont le Suisse Nils Melzer, qui affirment que «la loi proposée manque de clarté pour garantir que les mesures prises en vertu de celle-ci soient nécessaires et proportionnées». La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Dunja Mijatovic ensuite, qui a jugé que «la formulation du projet ouvrait la voie à une interprétation large faisant courir le risque d’ingérences excessives et arbitraires dans les droits de l’homme». Et pour finir, la «Plateforme des ONG suisses pour les droits humains»: 80 organisations helvétiques actives dans le domaine, qui ont mis en garde sur le fait que «lutter contre le terrorisme en foulant aux pieds les engagements inscrits dans la Constitution fédérale menaçait notre sécurité».
L’un des points les plus controversés concerne la définition d’une «activité terroriste». Celle-ci est libellée comme suit: «Les actions destinées à influencer ou à modifier l’ordre étatique et susceptibles d’être réalisées ou favorisées par des infractions graves ou la menace de telles infractions ou par la propagation de la crainte.» Coprésident du Parti pirate suisse, Jorgo Ananiadis (BE) dénonce une formulation «absurdement vague»: «Un militant du climat qui veut un changement de l’ordre étatique est-il un terroriste? Ou un journaliste qui fournit des informations susceptibles de troubler l’ordre? Ou un groupe de citoyens conservateurs qui s’oppose à l’immigration et «propage la crainte»? Tout citoyen peut devenir une menace terroriste d’après cette définition.»
Le comité dispose désormais de cent jours pour récolter 50 000 signatures. Pour atteindre ce but malgré les contraintes sanitaires, la plateforme internet Wecollect sera mise à contribution, ont précisé les référendaires. Si les partis «mères» n’ont pas encore formellement apporté leur soutien au référendum, «celui-ci devrait intervenir dans un deuxième temps», a souligné Julia Küng (ZG), coprésidente des Jeunes Verts suisses.