Un référendum surprise contre la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration
Suisse-UE
Finalement, la loi d’application de l’initiative de l’UDC sur l’immigration est attaquée par un référendum. Celui-ci n’est pas lancé par l’UDC, mais par un politologue socialiste qui agit à titre de «citoyen libre» et veut redonner la parole au peuple

Le référendum est venu d’où on ne l’attendait pas. Ni de l’UDC, ni de milieux proches de ce parti comme l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), mais d’un politologue de l’Université de Lucerne, Nenad Stojanovic. Membre du Parti socialiste, il a siégé de 2007 à fin 2012 au Grand Conseil tessinois, mais n’a aujourd’hui plus de mandat électif et agit en «citoyen libre». Nenad Stojanovic a choisi Twitter pour annoncer le référendum contre la loi d’application de l’initiative sur l’immigration, adoptée par les Chambres fédérales le 16 décembre dernier.
Referendum applicazione iniziativa immigrazione di massa #IIM / Umsetzung #MEI. Let the people decide! Délai pour récolte signatures: 7.4.17 pic.twitter.com/zXsjb7UPIz
— Nenad Stojanović (@StojanovicNenad) December 28, 2016
Pour sauver les relations bilatérales avec l’Union européenne (UE) et la libre circulation, ce texte propose des pistes «light» pour gérer l’immigration: il s’agit d’inciter les employeurs à recruter des chômeurs locaux plutôt que des travailleurs étrangers. Le lancement du référendum a été relayé jeudi par le «Tages-Anzeiger» et confirmé au «Temps» par l’intéressé.
La parole au peuple
«Laissons le peuple décider!» Voilà le sens de la démarche du politologue. «D’un point de vue démocratique autant que politique, il est nécessaire de voter et d’avoir l’avis du peuple sur la loi d’application de l’initiative du 9 février. Arrêter le débat au niveau parlementaire n’est pas satisfaisant», explique-t-il. «C’est tout de même la principale question qui occupe la politique suisse depuis trois ans!»
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Depuis la votation de 2014, de nombreuses voix demandent un vote de clarification sur l’attachement de la Suisse à l’Europe: les Suisses veulent-ils conserver les relations bilatérales avec l’UE (et donc la libre circulation des travailleurs) ou souhaitent-ils couper le cordon, comme les Britanniques? Plusieurs scrutins sont possibles dès 2017: celui sur l’initiative RASA («Sortons de l’impasse»), qui veut annuler l’article constitutionnel sur la gestion de l’immigration, celui sur le contre-projet mis en consultation par le Conseil fédéral avant les fêtes de fin d’année; à plus long terme, une votation pourrait avoir lieu si l’initiative annoncée par l’ASIN pour résilier l’accord sur la libre circulation des personnes aboutissait.
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«La situation est confuse: on ne voit toujours pas clairement quand la votation aura lieu ni sur quoi elle portera. Pendant ce temps, l’UDC comme l’ASIN peuvent clamer que la volonté populaire a été trahie, déplore Nenad Stojanovic. Nous ne pouvons pas laisser aux politiciens populistes le monopole de l’interprétation de ce qu’est la volonté du peuple durant trois ou quatre ans. Je trouve dangereux pour le système démocratique de laisser ainsi progresser la rhétorique contre les élites.» Le politologue se montre aussi curieux de savoir comment l’UDC expliquera à ses électeurs qu’elle ne soutient pas ce référendum.
Un citoyen isolé
Pour l’instant, Nenad Stojanovic est seul avec son projet. S’il n’est pas plus entouré, il lui sera difficile de récolter d’ici au 7 avril les 50 000 signatures nécessaires. Il sait qu’il n’y a pas de soutien à attendre des partis traditionnels et va donc tenter de se rapprocher de la société civile. «Mais même si je ne réussis pas à récolter les signatures, ce sera déjà une indication de la volonté du peuple.»