Disparate, la presse vaudoise a trouvé au cours du siècle une occasion en or pour se réconcilier: l'Exposition nationale de 1964, organisée sur les rives lausannoises du Léman. La manifestation, qui attirera 11 millions de visiteurs en six mois, est célébrée par tous les journaux. Les correspondants en perdent d'ailleurs la voix, dès le 28 avril, journée consacrée à la presse nationale et internationale. Ainsi le 29 dans le Journal d'Yverdon, qui deviendra vingt-quatre ans plus tard le Journal du Nord vaudois: «En apercevant la stupéfiante machine de Tinguely qui s'agite comme un pantin désarticulé, en traversant l'extraordinaire secteur de l'industrie et de l'artisanat dans le monorail, en contemplant le panorama de l'Exposition du haut du Spiral [...], les journalistes, chose rare, n'ont pas trouvé assez de mots pour exprimer leurs sentiments.» Le lendemain, le même journaliste revient sur l'accueil fait aux représentants des médias. «M. Despland (ndlr: le directeur de l'Exposition) a eu un geste très galant envers les femmes des journalistes: il leur a envoyé, par pli postal, un ravissant mouchoir plié en forme de rose avec ces mots: «Votre mari est à Lausanne... une fois de plus, sa profession l'aura obligé à vous quitter pour une journée entière... Pour que vous nous pardonniez son absence, nous nous permettons de vous offrir cette fleur éphémère...»

A l'autre bout du canton, la Feuille d'avis de Vevey, future Riviera, revient déjà sur les polémiques qui ont accompagné la construction de l'Exposition lausannoise: «C'était hier la Journée de la presse de notre Exposition nationale que nous sommes fiers de voir installée dans notre capitale vaudoise... Présentation par trop symbolique, disent les uns, par trop simplifiée, disent les autres, originale et bien de notre temps, disent enfin ceux que ne déroutent pas certaines conceptions hardies.»

Peu diserte sur la journée du 28 avril, la Feuille d'avis de Lausanne, devenue 24 heures en 1972, ne cache pas sa fierté, en une du 30: «Au jour dit, à l'heure annoncée, l'Exposition nationale s'est ouverte. Elle se révèle si grande et si belle, elle réalise si bien dès le premier abord les espoirs mis en elle que le Lausannois, le Vaudois qui la visite, mêlé aujourd'hui à la foule des invités officiels, éprouve, en même temps que beaucoup de joie, quelque fierté. Cette fierté est légitime. [...] Mais la ville et le canton n'ont pas travaillé seuls. Malgré un climat trop répandu de scepticisme, voire de défaitisme - qui prouvait déjà à quel point, dans la Suisse de la prospérité, cette manifestation était nécessaire...»