L’arrêt rassurant de la Cour européenne de justice
Face à l’UE, la Suisse aurait pourtant de solides arguments à faire valoir en faveur d’une reprise en douceur de cette directive, estime celui qui a fait des études postgrades au Collège d’Europe à Bruges. Il en veut pour preuve un arrêt de la Cour de justice de l’UE (CJUE) à Luxembourg, à propos d’un litige opposant l’autorité fiscale de Constance à un citoyen allemand, Martin Wächtler, qui voulait transférer son domicile en Suisse. Dans ce cas, la CJUE remarque que dans le cadre de l’accord sur la libre circulation des personnes (ACLP), l’UE et la Suisse s’engagent à des «droits et des obligations spécifiques et analogues à certains égards à ce qui vaut dans l’UE». Avant d’ajouter: «Comme la Suisse n’a pas adhéré à l’UE, l’interprétation du droit européen relatif à cet accord ne peut être transposée automatiquement, sauf dispositions expresses à cet effet.»
Sur trois points, la Suisse dispose donc d’une marge de manœuvre confortable face à Bruxelles. Le premier concerne la question hautement sensible de l’accès élargi à l’aide sociale, au titre de l’égalité de traitement. En sa qualité d’Etat tiers, la Suisse se trouve dans un rapport «spécifique», en l’occurrence économique, avec l’UE. Ainsi, l’interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité ne peut s’appliquer qu’aux travailleurs salariés et aux indépendants.
«La crainte d’un afflux massif de citoyens européens profitant des assurances sociales suisses n’est donc pas justifiée», rassure Idris Abdelkhalek. «Les citoyens de l’UE séjournant sans activité lucrative en seraient exclus, ce qui a été confirmé dans d’autres arrêts récents de la CJUE», ajoute-t-il. En fait, n’auraient droit au filet social helvétique que des travailleurs au bénéfice d’un contrat de courte durée qui seraient licenciés et des indépendants perdant leur activité.
Le deuxième point touche à l’obtention d’un droit de séjour permanent – le permis C – après cinq ans de résidence. Selon la directive de l’UE, le but est de «renforcer le sentiment de citoyen de l’UE et la cohésion sociale». Son objectif va donc au-delà de celui de la libre circulation des personnes. «Il ne doit pas être repris par la Suisse», en conclut Foraus. Cela dit, la Suisse accorde déjà ce droit à dix pays de l’UE, mais cela dans des accords bilatéraux spécifiques, et non dans l’ACLP.
Peu d’impact en Suisse
Le troisième point, lui aussi délicat car beaucoup thématisé par la droite nationaliste, touche au renvoi des criminels étrangers. Bruxelles parle ici pudiquement de «règles d’éloignement d’un citoyen de l’UE de son pays d’accueil pour des raisons de sécurité». A cet égard, la Cour européenne de justice a arrêté le principe de proportionnalité, voulant que plus l’intégration est forte, moins l’expulsion se justifie. De son côté, le Tribunal fédéral a lui aussi appliqué ce principe, au grand dam de l’UDC qui, après avoir gagné une votation en 2010, a toujours réclamé des règles d’expulsion plus strictes.
En conclusion, cette directive sur la citoyenneté n’est pour la Suisse pas l’épouvantail que voient en elle les détracteurs de l’accord-cadre. «Le débat est trop émotionnel. Une approche plus pragmatique permet de constater que la reprise de la directive n’aurait que peu d’impact en Suisse», souligne Idris Abdelkhalek.