La bataille se poursuit pour les associations et citoyens mobilisés contre les renvois de personnes déboutées en Ethiopie. Sur les cinq personnes qui devaient être expulsées du territoire ce mercredi 27 janvier dans un vol spécial, deux bénéficient désormais d’une suspension.

Une interruption intervenue suite à l’interpellation par des avocats zurichois de deux commissions des Nations unies, celle contre la torture et celle pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Les deux estiment que les personnes ne peuvent pas être renvoyées en Ethiopie pour l’instant. L’avocate Lea Hungerbühler a déclaré à la RTS que «cela devrait être un signe clair pour les autres cas: ce n’est pas le bon moment pour expulser des gens vers un pays en état de guerre».

Requérants hospitalisés et embarqués

Ce signal n’a pas été perçu de la même manière dans le cas de Tahir, un Ethiopien d’une trentaine d’années incarcéré dans le centre de détention administrative de Frambois depuis le mois de septembre (lire LT du 27 janvier). Son avocate a tenté faire valoir les avis défavorables émis par les comités pour empêcher le renvoi de son client mais sa demande a été rejetée. Pour protester contre son expulsion, le requérant a entamé une grève de la faim et de la soif dimanche 24 janvier. Quelques jours plus tard, Solomon, lui aussi détenu à Frambois, a décidé de lui emboîter le pas.

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Ce mercredi, «vers six heures du matin, une voiture de police lausannoise est venue chercher Solomon, témoigne une de ses amies. Nous savons qu’il a été conduit dans les locaux de la police cantonale de la Blécherette, mais nous ignorons pourquoi.» De son côté, Tahir a perdu 7,5 kilogrammes en seulement quatre jours, indiquent ses proches sur le compte Instagram @nonaucentrederenvoi, sur lequel ils relaient leur mobilisation. Ils espéraient que son état lui éviterait d’embarquer à bord de l’avion spécial affrété par le Secrétariat d’Etat aux migrations. Le requérant a été transféré en milieu d’après-midi au service de médecine pénitentiaire des Hôpitaux Universitaires de Genève, avant d’en ressortir sous escorte en début de soirée.

Se faire entendre

Depuis lundi, ils sont une vingtaine à manifester, jour et nuit, devant le centre de détention de Solomon et de Tahir pour leur apporter du soutien. «Nous avons organisé un tournus de cinq personnes et assurons une présence continue, détaille une amie de Tahir. Nous venons avec des banderoles et klaxonnons toutes les heures. Nous lui montrons ainsi que nous sommes toujours là pour lui.» Depuis 15 heures ce mercredi, ils se regroupent devant les HUG.

Ce mécontentement, partagé par plusieurs associations et organisations, dont Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, a trouvé un écho dans la presse romande. Le message a retenti jusque dans la salle du Conseil d’Etat genevois mercredi matin, même si aucune communication officielle sur ce point n’a pu être obtenue. La députée au Grand conseil genevois Léna Strasser regrette la position de l’exécutif sur le sujet. «Les conseillers et conseillères ont été interpellés par une lettre ouverte et le magistrat en charge a répondu que le Conseil d’Etat ne traitait pas des cas individuels, ni de ce qui est du ressort des lois fédérales.»

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La socialiste confie donc avoir peu d’espoir pour qu’une réaction de leur part survienne et préfère miser sur l’engagement des citoyens. Pour elle, la loi sur la procédure d’asile doit être modifiée, «mais cela ne viendra pas du haut, il faut que la population fasse entendre son désaccord et se montre solidaire comme c’est le cas dans cette affaire».