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Une forte conviction ne suffit plus

Si la force de conviction et le nombre de sourires à la minute de Doris Leuthard pouvaient être transformés en millions de kWh à bas prix, la transition prévue dans la stratégie énergétique 2050, ramenée mercredi à une stratégie 2035, aurait de bonnes chances de succès. Hélas, la conseillère fédérale en charge de l’Energie a en face d’elle un grand nombre de parlementaires qui ne croiront jamais sans avoir vu. Les objectifs et les promesses les laissent froids, mais ils réagissent au quart de tour à toute mesure législative qui a pour conséquence une augmentation du prix moyen du kWh ou un contrôle supplémentaire de l’administration sur le marché de l’énergie.

Pourtant, que de chemin parcouru depuis le 25 mai 2011, date de la stupéfiante annonce du Conseil fédéral que la Suisse doit se donner les moyens de sortir progressivement du nucléaire sans accroître sa dépendance énergétique face à l’étranger! Aujourd’hui, plus personne ne remet publiquement en cause cet objectif. Les mentalités ont changé. Doris Leuthard a réussi à s’attirer la sympathie aussi bien de la branche électrique, ou d’economiesuisse, que des milieux alternatifs favorables à la promotion des énergies renouvelables.

Mais le plus dur reste à faire : concrétiser un catalogue d’intentions dans un marché de l’énergie déstabilisé durant une période peu propice à une augmentation des taxes, mêmes incitatives. La conseillère fédérale sait parfaitement naviguer à vue, donner pour recevoir, et éviter de fâcher ceux qui peuvent faire capoter son projet politique. A force d’arrondir les angles, en retirant par exemple son appui au couplage chaleur-force ou en supprimant la marge bénéficiaire sur le photovoltaïque, le virage énergétique sera moins rapide et moins volontariste que prévu il y a deux ans.

Seule la moitié du chemin pourra être parcouru par les mesures présentées mercredi. L’autre moitié dépendra d’un accord politique autour d’une taxe d’incitation sur l’énergie dont les contours sont encore suffisamment vagues pour n’inquiéter personne. Passer de la force de conviction à l’action qui mènera concrètement, et dans la douleur, à la transition énergétique: tel est le sérieux défi qui attend Doris Leuthard.