De belles paroles mais pas suffisamment d’action. Comme révélé par le Blick, c’est ce que reproche la future Association suisse pour la protection du climat (ASPC) aux politiques mises en place par le gouvernement pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Dans le cadre de ce traité, qui vise à limiter à moins de 2°C l’augmentation de la température terrestre, Berne s’est engagé à diminuer ses émissions de 50% d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990 et à la neutralité climatique à partir de 2050.

Mais l’ASPC doute que le gouvernement atteigne les objectifs fixés et désire précipiter le mouvement. Pour ce faire, et alors que les commissions fédérales débattent de la révision de la loi sur le CO2, l’association annonce le lancement prochain de «l’initiative pour les glaciers», qui demande l’interdiction des combustibles fossiles dès 2050.

«Nous ne faisons pas confiance au parlement»

Professeur d’économie de l’environnement à l’EPFL, Philippe Thalmann est membre du comité scientifique qui accompagne le mouvement. «L’initiative est là pour mettre la pression, dit-il. Les objectifs prévus pour 2020 ne seront vraisemblablement pas atteints et les objectifs qui se profilent pour les décennies suivantes sont trop peu ambitieux. En outre, nous n’avons pas confiance dans la capacité du parlement à accélérer le rythme de la baisse des émissions. Pour que les choses bougent, nous voulons désormais mettre en évidence l’appui populaire à la décarbonisation du pays et l’ancrer dans la Constitution.»

Le texte des initiants dépasse les engagements pris par la Suisse à Paris, puisqu’il demande l’interdiction pure et simple des combustibles fossiles en Suisse à partir de 2050. Est-ce vraisemblable? «Oui, dit Philippe Thalmann. Les efforts concerneraient avant tout les bâtiments, les véhicules et l’industrie. En trente ans, on peut remplacer les chaudières à mazout et passer à un parc automobile électrique. Il faut parfois prendre des décisions drastiques. Il y a cent ans, l’abandon du charbon dans les chemins de fer suisses permettait par exemple de donner naissance au premier réseau entièrement électrique du monde. Quant à l’effort demandé aux citoyens, il serait minime.»

Délibérément apartisan

Bien que le sujet soit traditionnellement l’apanage de la gauche politique, aucun de ses politiciens ne figure dans la liste des membres fondateurs de l’ASPC. Et ce n’est pas un hasard, explique Marcel Hänggi, journaliste environnemental indépendant à la base du mouvement. «Nous ne voulions pas que l’initiative soit rattachée à une couleur politique en particulier. D’une part pour éviter une forme de stigmatisation rattachée à l’image de certains partis. D’autre part pour rallier le maximum de personnes à notre cause. La défense du climat concerne tout le monde, à gauche comme à droite.» Les dernières initiatives environnementales soutenues par des partis écologistes ont toutes été perdues, souligne Sophie Fürst, secrétaire générale de l’association.

En lieu et place du PS ou des Verts, c’est ainsi pour le moment le WWF et Greenpeace qui soutiennent officiellement la démarche. La gauche se ferait-elle doubler sur son propre terrain? «C’est une confluence des forces, considère la conseillère nationale Lisa Mazzone (Verts/GE). Face à l’urgence climatique, l’un des grands enjeux est celui de la mobilisation. Celle-ci peut également avoir lieu en dehors des sphères traditionnelles, cela ne fait que pousser une politique que nous menons au parlement. Je suis par ailleurs certaine que nous finirons par travailler ensemble.»

«Des solutions raisonnables pour un problème extrême»

Réunir 100 000 signatures, «pas de problème», selon Marcel Hänggi. Persuadé du bien-fondé de son initiative, il rappelle l’urgence d’agir. «Ce que nous demandons n’est pas extrême, dit-il. C’est la canicule et la hausse des températures qui le sont. Notre réponse est raisonnable compte tenu de l’enjeu. Nous sommes actuellement en train de perdre le combat contre le réchauffement climatique.»