«Une fois de plus, les musulmans ont eu droit à tous les amalgames», s’emporte Mohamed Hamdaoui. Pour ce député socialiste bernois, les réactions suscitées par l’affaire Abu Ramadan – du nom de l’imam biennois accusé de propos haineux – ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. «Nous en avons ras le bol de voir certains partis, notamment l’UDC, instrumentaliser la question de l’islam.»

Il est temps de dire «Lâchez-nous les babouches», estime ce député, par ailleurs journaliste, reprenant ainsi le slogan de la première «Landsgemeinde» des musulmans de Suisse. Organisée ce samedi à Bienne, la réunion rassemblera des représentants d’associations, des politiciens et des universitaires.

Mohamed Hamdaoui s’est associé à Naïma Serroukh et Lamya Hennache, toutes deux membres de Tasamouh, une association biennoise active dans la prévention de la radicalisation. «Nous voulons rappeler que, dans leur grande majorité, les musulmans suisses ont une relation intime et discrète avec leur religion. Ce sont des citoyens à part entière. Il est donc important de les laisser s’exprimer.»

Débats autour de l’islam

Les discussions, qui se tiendront dans l’église réformée du Pasquart, aborderont la place de l’islam dans la société suisse. La question «L’islam est-il compatible avec la démocratie suisse?» réunira notamment les conseillers nationaux Ada Marra (PS) et Manfred Bühler (UDC). Pour ce dernier, la question ne se pose même pas. «Bien entendu, toute religion doit être compatible avec la démocratie.» Pour l’élu, le problème apparaît seulement au moment «où l’islam devient un projet politique».

La socialiste Ada Marra estime quant à elle qu’il sera essentiel d’aborder la question de la primauté du droit sur la religion. «On est citoyen avant d’être musulman. Les rites doivent être respectés, mais ils ne doivent pas pour autant empêcher le vivre-ensemble.»

La journée se terminera par l’adoption d’une charte citoyenne destinée aux musulmans suisses, soit l’équivalent d’une déclaration de droits et de devoirs. A la manière de la traditionnelle Landsgemeinde, un vote à main levée permettra aux «citoyens musulmans» de donner leur avis, détaille Mohamed Hamdaoui. Les organisateurs ont déjà défini quelques lignes directrices pour élaborer le texte final. «Notre charte rappelle des points essentiels comme l’égalité entre les femmes et les hommes, l’importance d’une formation pour les imams et la nécessité de combattre le communautarisme.»

Charte symbolique?

Le socialiste biennois admet que la charte aura «une portée purement symbolique» pour l’instant. Quant à la conseillère nationale Ada Marra, elle espère que ce rassemblement débouchera sur un mouvement de plus grande ampleur. «On ne doit pas se contenter d’élaborer un texte rappelant que les musulmans respectent la loi. D’autres chartes jouent déjà ce rôle», dit-elle. Un constat que partage Pascal Gemperli, président de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM). «Une grande partie des fédérations islamiques ont déjà adopté des chartes similaires», souligne-t-il. De telles mesures sont bel et bien le signe d’une «méfiance ambiante» envers l’islam. «Cette démarche est une bonne chose. Mais une nouvelle fois, il semble que nous soyons dans l’obligation de confirmer notre bonne foi», regrette ce musulman converti.

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