Sur le plan économique, elle dirige une entreprise qui accumule les résultats record pour le plus grand bonheur de ses actionnaires. Et sur le plan politique, elle a accédé à la vice-présidence du plus grand parti de Suisse, l’UDC. Pourtant, la conseillère nationale Magdalena Martullo-Blocher n’est pas encore sûre d’être réélue le 20 octobre prochain. Ce serait un sérieux revers pour celle que tout le monde voit succéder d’ici deux ou trois ans à Ueli Maurer au Conseil fédéral.

Bien que domiciliée sur la riviera zurichoise, la fille de Christoph, le patriarche de l’UDC, fait acte de candidature dans les Grisons, siège de l’entreprise Ems Chemie. Et dans ce canton, qui n’envoie que cinq conseillers nationaux et deux sénateurs à Berne, le suspense est total. En 2015, Magdalena Martullo-Blocher avait ravi in extremis le fameux «cinquième siège», celui qui est le plus volatil, car il ne cesse de changer de mains. Elle n’avait dû son élection qu’à une alliance avec un petit parti qui aujourd’hui n’existe plus. Il s’en était fallu d’une petite centaine de voix.

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La gauche s’allie aux Vert’libéraux

Quatre ans plus tard, ses adversaires politiques rêvent toujours de la faire trébucher, aussi bien à gauche qu’au centre, où l’on a rassemblé les forces face à l’UDC. «Tout est ouvert», relève Jon Pult, le nouveau leader de la liste socialiste après le départ annoncé de Silva Semadeni. Une fois de plus, les apparentements seront décisifs. Comme voilà quatre ans, la gauche part avec les Vert’libéraux, dont la figure de proue, le conseiller national Josias Gasser, n’avait pas été réélue en 2015. Désormais âgé de 66 ans, le «pape grison de l’énergie verte» a lâché son entreprise pour tenter un retour à Berne, cela dans une formation à laquelle tous les instituts de sondage promettent la victoire.

Jon Pult se dit donc «confiant» dans ce combat pour le cinquième siège: «Les thèmes phares de la campagne, à commencer par l’enjeu climatique, favorisent les forces progressistes», remarque-t-il. L’étoile montante du PS suisse a quitté le Grand Conseil pour se consacrer totalement à la politique nationale. Le nouveau président de l’association de l’Initiative des Alpes brigue aussi bien le Conseil national que le Conseil des Etats.

Le centre droit s’apprête lui aussi à serrer les coudes. Le PDC, le PBD – celui de l’ancienne conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf – et le PLR sont sur le point de conclure un apparentement. Le problème, c’est que ces trois partis ne sont pas au mieux de leur forme. Deuxième force politique du canton, le PDC est encore celui qui se porte le mieux dans la mesure où sa tête de liste, Martin Candinas, s’est beaucoup mise en évidence en se faisant l’avocat de la SSR lors de la votation sur l’initiative No Billag et en prônant un congé paternité de deux semaines. Au PBD, l’agriculteur Duri Campell, très effacé au Conseil national, devrait conserver son siège. Quant au PLR, il manque de locomotives, si l’on excepte son sénateur Martin Schmid.

L’UDC reste sereine

A l’UDC, qui part seule au combat, on reste serein malgré les deux sièges à défendre. Ses deux listes phares sont conduites par les deux conseillers nationaux Heinz Brand et Magdalena Martullo-Blocher. «La constellation nous est plus favorable que voilà quatre ans. Je n’ai donc pas peur de perdre un siège», déclare le premier, son président cantonal. «Notre parti progresse, tandis que les autres ont plutôt tendance à régresser, comme le PBD qui se rapproche de la tombe», ironise-t-il. Tout de même: en cas de perte d’un siège, la lutte sera serrée avec l’héritière de la famille Blocher.

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Car Magdalena Martullo – qui omet parfois son nom de jeune fille – peut être créditée d’une bonne législature. Alors que beaucoup d’entrepreneurs comme elle brillent souvent par leur absence aux Chambres, elle a su s’organiser grâce à un homme à tout faire qui est constamment dans l’antichambre. Membre de l’influente Commission de l’économie et des redevances (CER), elle s’est concentrée sur la défense de la place économique et financière. Sans oublier de s’engager pour les intérêts du tourisme et l’énergie hydraulique grisons. En juin dernier, son entreprise a ouvert ses portes au public lors d’un événement qui a beaucoup ressemblé au lancement de sa campagne électorale.

A l’UDC, personne ne veut aborder la question de la succession d’Ueli Maurer, qui a exclu une démission au terme de la présente législature. En fait, tous ses responsables y songent, car le ministre des Finances aura bientôt 69 ans. Et les papables ne sont pas si nombreux. Le chef du groupe, Thomas Aeschi, et l’éditeur-journaliste de la Weltwoche, Roger Köppel paraissent «grillés», tant ils polarisent. Dès lors, Magdalena Martullo-Blocher semble incontournable, même si elle répète que la politique «ne lui procure aucun plaisir». Cela rappelle furieusement son père, Christoph, qui a longtemps juré qu’il ne siégerait jamais au Conseil fédéral avant que son parti n’impose son élection au parlement en 2003.