L’«accord» fiscal annoncé la semaine passée a dominé très largement le paysage médiatique de ce dimanche avant l’ouverture de la session des Chambres fédérales ce lundi. Celles-ci doivent décider si elles avalisent «à l’aveugle» la proposition d’Eveline Widmer-Schlumpf pour résoudre le différend avec les Etats-Unis.

Face à la menace américaine, le parlement doit travailler rapidement. Mais les inconnues qui empêchent une vision claire de l’affaire, indique la NZZ am Sonntag, incitent un certain nombre d’élus du PLR, de l’UDC et du PS à envisager le renvoi du débat, voire à refuser la proposition de la ministre des Finances, pour retourner le dossier au gouvernement.

Anticonstitutionnel

Christophe Darbellay s’étonne, toujours dans le journal zurichois, de l’attitude du PLR, qui souhaiterait renvoyer la «patate chaude» au Conseil fédéral. Pour le président du PDC, il faut dire oui ou non. Différer la réponse ou obliger le Conseil fédéral à agir sans passer par le parlement ne lui semble pas une solution raisonnable. Même si pour l’heure, le politicien valaisan ne dévoile pas sa position.

Quant à Eveline Widmer-Schlumpf, répondant à la SonntagsZeitung, elle estime que le parlement doit se prononcer sur la loi d’urgence. Selon la ministre PBD, le Conseil fédéral ne peut résoudre seul le litige au moyen du droit d’exception. Celui-ci, juge-t-elle, ne sert «que dans des situations où l’urgence est telle que l’on ne peut plus passer par le parlement. Dans le cas contraire, ce serait en contradiction avec la Constitution fédérale.» La NZZ am Sonntag rapporte encore que l’ex-secrétaire d’Etat aux questions financières internationales, Michael Ambühl, aurait par contre voulu conclure un accord avec les Etats-Unis sans y inclure le parlement.

Or, quelle que soit l’issue des discussions, que devront payer les contribuables suisses? Voilà une autre question qui a traversé la presse dominicale. Les amendes salées que les banques suisses devront payer outre-Atlantique, explique Le Matin Dimanche, feront baisser leurs revenus imposables. Cette diminution entraînera un manque à gagner fiscal pour la Confédération qui risque bien de peser sur les citoyens suisses. Selon les estimations de Luc Recordon, «de telles déductions pourraient représenter des baisses de rentrées fiscales de 1,7 à 2,5 milliards».

Du coup, le conseiller aux Etats vert vaudois prévoit d’intervenir dès l’ouverture de la session «pour demander la suppression des déductions fiscales des pénalités frappant les banques ayant commis les infractions les plus graves au droit américain ou suisse».

De son côté, l’Administration fédérale des contributions (AFC) confirme la déductibilité fiscale des futures amendes. Mais seulement lorsqu’elles sont «justifiées par les activités commerciales», précise-t-elle.

Délai court

Cent vingt jours. Voilà le temps qu’auront les banques suisses, selon la NZZ am Sonntag, pour trouver une solution avec la justice américaine et régler les dossiers sur l’évasion fiscale. Et garder ainsi leur licence bancaire de l’autre côté de l’Atlantique. Le journal ne précise pas quand les délais commenceront à courir. «Durant ce temps, elles devront transmettre les données exigées par la justice américaine de façon à ce qu’une amende soit négociée», écrit le titre zurichois, se référant à des sources fiables. Mercredi, un délai d’un an avait été évoqué lors de l’annonce de cet accord. Le journal souligne par ailleurs que pour Washington, «la poursuite des fraudeurs, des banques et autres tiers concernés n’est pas une affaire politique, mais seulement une procédure judiciaire sur laquelle le parlement n’a pas son mot à dire».

Thomas Jordan, président du directoire de la BNS, précise à toutes fins utiles dans la Schweiz am Sonntag que ce n’est pas le rôle de la Banque nationale de sauver les autres banques. Enfin, la menace d’une inculpation de la Banque cantonale de Zurich (BCZ) aux Etats-Unis a été le coup de grâce pour la Suisse. «Eveline Widmer-Schlumpf n’a pas cherché à le cacher, mercredi», écrit Le Matin Dimanche. Au même titre que la Banque cantonale de Bâle, la BCZ fait partie des 14 établissements helvétiques à être dans le viseur de la justice américaine. Selon la NZZ am Sonntag, la BCZ – dont les avoirs sous gestion appartenant à des clients américains s’élèveraient à 1,8 milliard de francs – pourrait devoir débourser plusieurs centaines de millions de francs. Une amende jugée salée par certains, surtout au regard de ce qu’ont payé jusque-là UBS et Wegelin, les deux seules banques suisses à être parvenues à un accord avec Washington.

Quel avenir pour Eveline Widmer-Schlumpf?

La semaine politique s’annonce décisive également pour le sort de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, prétend la SonntagsZeitung. Les grandes manœuvres électorales pour 2015 auraient déjà commencé. L’UDC et le PLR attaquent la ministre des Finances, afin de l’affaiblir et de compromettre sa réélection. D’une part, l’UDC aspire à récupérer le fauteuil perdu avec l’éviction de Christoph Blocher en 2007. De l’autre, le PLR cherche à sauvegarder ses deux strapontins, en sursis depuis son érosion électorale.