Une tradition jadis commune à tous les peuples du Caucase
Fréquents au XIXe, ces délits, par lesquels une victime est vengée par un membre de sa famille, ont tendance à disparaître.
Cynthia Gani
Le sang versé se rachète par du sang versé. Selon cette ancienne tradition commune à tous les peuples du Caucase, tant musulmans que chrétiens, les parents masculins les plus proches de la victime d'un meurtre sont tenus de l'honorer en tuant à leur tour le coupable. L'acte de vengeance doit être commis selon un mode de désignation circulaire: la priorité est attribuée aux frères de la victime. Sinon, la responsabilité revient au père, puis aux cousins et, en dernier ressort, aux femmes de la famille. Fréquents au XIXe siècle, les crimes de sang ne sont désormais plus commis que dans certaines régions montagneuses du Caucase et en Tchétchénie, dans le contexte particulier de la guerre: dans les cimetières tchétchènes, on pose des rubans sur les tombes des victimes qui n'ont pas encore été vengées.
Originaire de Vladikavkaz, capitale de l'Ossétie du Nord, le meurtrier présumé de l'aiguilleur du ciel a-t-il voulu se faire justice pour venger la mort de sa femme et de ses deux enfants? Ce n'est en tout cas pas l'opinion de Soslan Pasyiev, étudiant ossète en Suisse: «Le crime de sang faisait partie de la culture caucasienne il y a bien longtemps. Mais, aujourd'hui, cette coutume n'est plus respectée, sauf dans quelques régions montagneuses. Cet homme a certainement tué l'aiguilleur de Skyguide pour des raisons qui lui sont propres, et non pour honorer la tradition: c'est une tragédie personnelle.»
Les derniers Iraniens d'Europe
Deniers représentants linguistiques des Iraniens d'Europe, les Ossètes sont des Caucasiens à part entière, par leur situation géographique, leur mode de vie et leur folklore. Située sur les deux versants de la chaîne du Grand Caucase central, la province historique d'Ossétie est aujourd'hui partagée en deux parties: l'Ossétie du Sud, qui fait officiellement partie de la République de Géorgie, et l'Ossétie du Nord-Alania, intégrée à la Fédération de Russie. Si l'Ossétie du Nord est l'une des plus petites républiques de la Fédération, elle a toutefois l'une des densités démographiques les plus fortes de la région, avec ses 684 100 habitants répartis sur 8000 km2. Multinationale, elle compte environ 60% d'Ossètes, dont le nombre a augmenté depuis les conflits qui ont suivi la chute de l'Union soviétique.
