«Ça a été brutal, je n’arrivais quasiment plus à marcher», détaille-t-il. L’ancien footballeur parle ouvertement et sans détour de ce passage difficile. L’analyse est limpide. Il sait que son côté compétiteur ne l’a certainement pas aidé sur ce coup-là. «Quand je fais quelque chose, je me donne toujours à fond et ça me prend beaucoup d’énergie. Le problème c’est que, passé le cap de la cinquantaine, on en a de moins en moins.» Son corps le lui a fait comprendre.
Le doute l’habite depuis toujours
Une autre facette de sa personnalité, beaucoup moins connue du grand public, a également joué un rôle. Christophe Bonvin est quelqu’un de fragile, rempli de doutes. Et ce, depuis toujours. «J’ai douté durant toute ma carrière de footballeur. C’est seulement après dix années passées en ligue nationale A que je me suis dit que j’avais le niveau pour y jouer.» Contrairement à son ami Marc Hottiger, également ex-international, Christophe Bonvin n’a jamais réussi à prendre le football pour ce qu’il est réellement: un jeu. «Deux jours avant les matchs, j’étais déjà nerveux», explique-t-il. Il ajoute que, durant sa carrière, il a eu à 518 reprises la diarrhée. «Chaque jour de match», rigole-t-il.
Ce doute permanent ne l’a pas empêché de faire une belle carrière. «C’est certes pesant, mais c’est ce qui m’a fait avancer.» Et ainsi soulever un trophée de champion de Suisse avec le FC Sion (1997) et quatre coupes de Suisse, toujours sous le maillot sédunois (1986, 1995, 1996, 1997). Christophe Bonvin a également participé à l’Euro 1996 en Angleterre, jouant le match d’ouverture contre les Three Lions devant près de 80 000 personnes à Wembley. Il a aussi inscrit un but à Anfield avec le FC Sion face au grand Liverpool. «Tout cela, je le dois à une stabilité, notamment familiale, que j’ai eu la chance d’obtenir très tôt. Sans ma famille, je n’aurais pas joué au football», analyse-t-il.
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Vingt ans après la fin de sa carrière, cette même stabilité, couplée à un entourage professionnel très compréhensif, lui a permis de remonter la pente après son burn-out. Christophe Bonvin ne s’en cache pas, il s’est également tourné vers une psychiatre pour se reconstruire. «Il ne faut pas avoir peur de demander de l’aide pour s’en sortir. C’est la preuve d’une certaine sagesse», souligne-t-il. Cette psychothérapeute l’a remis sur les rails. «Elle m’a fait comprendre que, pour être bien, je devais me remettre physiquement à flot. J’ai donc repris le sport, que j’avais délaissé depuis de nombreuses années.» Un esprit sain, dans un corps sain.
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Musique, littérature et peinture
Aujourd’hui, Christophe Bonvin va bien, «très bien même», ajoute-t-il. «Je reste toutefois quelqu’un de fragile, je dois donc faire très attention à plus m’écouter et respecter mon corps.» C’est pour cela qu’il a réduit sont taux de travail de 20%, s’autorisant ainsi plus de moments pour penser à lui. Il a redécouvert la musique, notamment celle de Frank Zappa, grâce aux vinyles. La lecture est également un élément central de la vie de celui qui a ouvert une librairie avec sa femme à Martigny, tout comme la peinture. «Ce sont trois arts accessibles à tout un chacun. Il n’y a pas besoin d’être un fin connaisseur. Il suffit de laisser parler ses émotions.»
Ces moments de tranquillité sont nécessaires pour son bien-être. «La société est de plus en plus compétitive et nous ne sommes pas faits que pour ça. Ces moments qu’on peut lui voler font du bien. Ils sont nécessaires pour mon équilibre». Au même titre que la spiritualité, qu’il a redécouverte grâce à un ami. «Je redéveloppe ma foi, dont je ne m’étais plus occupé depuis plusieurs années. Je retourne notamment à la messe et je me réserve des moments pour me retrouver seul avec Dieu. Cela m’apaise», confesse-t-il.
Sur le papier, tout cela semble simple, mais dans le tourbillon du quotidien, ce n’est pas toujours le cas. «Je n’arrive pas encore à appliquer tous mes nouveaux principes, mais j’y travaille. Le plus dur est de passer par-dessus mon esprit compétiteur. C’est mon objectif des dix prochaines années», admet-il en souriant. S’il ne souhaite à personne de vivre un burn-out, Christophe Bonvin reconnaît que cette épreuve lui a été bénéfique. «J’ai saisi qu’il y a différentes périodes dans une vie. A 50 ans, on ne peut plus faire les choses que l’on faisait à 20 ou même 40 ans. Pour comprendre cela, je ne pouvais pas faire l’économie de ce burn-out.»
Profil
1965 Naissance le 14 avril à Sion.
1982 Première apparition avec le FC Sion contre Neuchâtel Xamax.
1989 Mariage avec Christine.
1990, 1992, 1994 Naissance de ses trois enfants.
1997 Fin de carrière de footballeur.
2003 Commence son travail au sein de la maison Bonvin 1858.