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Frédéric Favre et Serge Gaudin: deux adversaires que tout rapproche

Le libéral-radical et le démocrate-chrétien, qui briguent un siège au gouvernement valaisan, sont au diapason sur de nombreuses questions. La plus grande différence? Le premier est sortant, le second néophyte à cet échelon politique

Le PDC Serge Gaudin (à droite) fera-t-il de l’ombre au PLR sortant Frédéric Favre dans la course au Conseil d’Etat valaisan? — © Louis Dasselborne pour Le Temps
Le PDC Serge Gaudin (à droite) fera-t-il de l’ombre au PLR sortant Frédéric Favre dans la course au Conseil d’Etat valaisan? — © Louis Dasselborne pour Le Temps

Le lapsus est révélateur. Dans une interview filmée donnée au quotidien haut-valaisan Walliser Bote, le président du Conseil d’Etat valaisan Christophe Darbellay cite son collègue d’exécutif Frédéric Favre parmi les candidats PDC qui briguent un siège au gouvernement cantonal. Eclat de rire, puisque l’homme est PLR. Il se reprend et cite son colistier Serge Gaudin, néophyte à cet échelon politique. Les deux hommes sont-ils si proches que cela, pour qu’on les confonde? Interview croisée.

«Le Temps»: Pour de nombreux analystes, la principale incertitude de l’élection au Conseil d’Etat valaisan réside dans le fait de savoir lequel de vous deux occupera le cinquième et dernier siège gouvernemental. Vous partagez cette analyse?

Frédéric Favre: Pas du tout. Ces pronostics ressemblent plus à des volontés de biaiser la campagne, en mettant en avant les chances, plus ou moins grandes, des candidats. Chaque personnalité a des arguments à faire valoir. Et ces dernières années, en Valais, on a appris à être surpris.

Serge Gaudin: Comme pour un match de football, de nombreuses personnes font des pronostics. Je n’en fais pas partie. Il y a beaucoup d’incertitudes, liées à la crise sanitaire. Je pense que tout est donc ouvert.

Vous évoquez la crise sanitaire, qui complexifie la campagne. Est-ce que c’est d’autant plus difficile, Serge Gaudin, lorsqu’on est novice et qu’on n’a pas de bilan à défendre?

SG: C’est effectivement plus compliqué pour moi, qui n’ai pas une très grande notoriété au niveau politique, de me faire connaître. Il faut redoubler d’imagination pour y arriver. Etant donné les difficultés pour aller à la rencontre de la population, la prime au sortant sera d’autant plus importante cette année.

© Louis Dasselborne pour Le Temps
© Louis Dasselborne pour Le Temps

Frédéric Favre, ne craignez-vous pas que les électeurs ne retiennent de vos quatre ans au gouvernement que le refus des Valaisans d’organiser les Jeux olympiques de 2026?

FF: Malgré le résultat, je suis fier de cette campagne. Ma capacité à rebondir après ce refus a démontré que j’avais l’étoffe d’un conseiller d’Etat. Souvent, pour des raisons émotionnelles, les gens ne se souviennent que de certains éléments d’un bilan. C’est pour cette raison qu’avec mon équipe nous avons fait un récapitulatif factuel, que nous utilisons dans le cadre de la campagne. Il est important de rappeler aux électeurs les dossiers que nous avons fait avancer.

Dans vos promesses de campagne, faites dans «Le Nouvelliste», Frédéric Favre, vous évoquez l’importance de la transition écologique. Et, Serge Gaudin, vous dites espérer faire du Valais une référence en termes de durabilité. L’écologie est une promesse de campagne à l’heure de la vague verte?

FF: Je me plais toujours à rappeler mon appartenance à Avenir Ecologie [mouvement apparenté au PLR, sensible à la problématique du climat, qui existe depuis 2005 en Valais, ndlr] bien avant d’être conseiller d’Etat. Pour moi, ce ne sont pas des promesses, mais des actes. Je l’ai prouvé ces quatre dernières années, en mettant en place, notamment, des subventions lors de l’achat de véhicules électriques, mais j'ai aussi lancé des constructions qui répondent au standard Minergie et qui seront équipés de production photovoltaïque. Ces mesures ne sont que le lancement de la stratégie de développement durable du canton à l’horizon 2030. D’autres éléments vont se mettre en place. Les rénovations de logements individuels seront notamment au cœur de cette réflexion. Nous avons un gros travail de promotion à réaliser à ce sujet pour que les citoyens fassent ce pas qui permettrait de réduire l’impact climatique.

SG: Le Conseil d’Etat a en effet défini une stratégie. La priorité consiste désormais à la mettre en œuvre, car, si les politiques apportent souvent des idées, ils ne se focalisent pas assez sur leur réalisation. J’espère apporter ma culture entrepreneuriale, qui veut que, lorsqu’on définit des stratégies, on s’assure que l’on est capable de les réaliser. Si l’on reprend l’exemple des voitures électriques, leur gain environnemental est très faible, si on n’utilise pas des énergies renouvelables. Il faut donc créer des capacités supplémentaires et, l’hydroélectricité étant leur colonne vertébrale, il faut la renforcer en créant de nouveaux aménagements, pour utiliser les deux térawattheures potentiels que l’on a en Valais.

FF: Nos ancêtres ont fait la grosse part du travail en termes d’hydroélectricité. Nous devons désormais miser sur la complémentarité avec le solaire, que ce soit à l’échelle privée ou publique. Cela permettra d’avoir une économie circulaire pour ce qui est de l’énergie endogène.

SG: Pour cela, il faut que les panneaux solaires ou certains de leurs composants soient produits en Suisse. Pour l’heure, 97% de ces panneaux sont importés de Chine, ce qui pèse dans leur bilan carbone. On est en train de vivre le retour de balancier de la globalisation à outrance des dernières décennies. Il faut que cela nous pousse à réfléchir pour développer des compétences locales.

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Le Valais se trouve à l’avant-garde de la technologie, avec de nombreuses start-up reconnues internationalement. Pourtant, il conserve son image de «Vieux-Pays». Comment changer cela?

FF: Le Valais doit garder ses racines, on ne va pas renier nos produits du terroir ou l’importance du tourisme. Mais pour que l’image que reflète le canton se teinte des nouvelles réalités plus innovantes, cela prendra du temps. Sion abrite la plus grande antenne de l’EPFL, le Valais est le deuxième site chimique de Suisse et les avions électriques de demain se développent à Sion. Nous devons continuer à mettre en avant ce pôle d’excellence, car lorsque la compétitivité est mondiale, il faut être parmi les meilleurs, sinon on n’existe pas.

SG: Peut-être que, médiatiquement, on en fait parfois un peu trop au sujet des affaires qui secouent le canton et que cela participe à la caricature du Valaisan. Il est vrai que notre caractère, un peu terrien, peut nous jouer des tours, mais ce trait est aussi souvent très bien perçu. Dans le monde entrepreneurial, on préfère avoir affaire à des personnes qui ont du coffre et des idées plutôt que de faire face à quelqu’un de mou.

© Louis Dasselborne pour Le Temps
© Louis Dasselborne pour Le Temps

La probable élection d’un Conseil d’Etat 100% masculin ne va pas aider à changer cette image. Un gouvernement sans femme, c’est problématique, Frédéric Favre?

Ce serait une faiblesse. Ce n’est pas le Valais que je connais, qui fait de plus en plus de place à la mixité et à l’égalité, dans le privé comme dans le public. Les partis ont une responsabilité pour que, à l’avenir, les autorités soient plus représentatives.

Est-ce que cela doit passer par des quotas, Serge Gaudin?

Non, je suis contre les quotas. Il est préférable de définir un agenda, avec des objectifs quantifiables et concrets en termes d’égalité. On est capable de définir des buts à atteindre pour la neutralité carbone, pourquoi ne le serions-nous pas en termes d’égalité?

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Depuis le début de cette interview, on remarque que vous êtes très proches. Qu’est-ce qui vous différencie, finalement?

FF: Nous ne sommes pas plus proches ou moins proches que le sont nos partis au niveau cantonal. Mais la grosse différence réside dans le fait qu’il y a un sortant et un novice en politique. J’ai connu cette réalité il y a quatre ans, mais les différences entre Oskar Freysinger et moi-même étaient bien plus grandes (rires).

SG: Effectivement, nous avons une certaine proximité sur le plan politique, mais au-delà de cela il y a aussi la personnalité qui joue un rôle. Chacun apporte ses expériences de vie et professionnelles. Je viens d’une région de montagne et j’ai envie de soutenir cette minorité qui, parfois, peut-être oubliée aux dépens des villes et de la plaine.

Le «oui ou non»

Le chasselas vaudois, c’est meilleur que le fendant valaisan, on est d’accord?

FF: Non.

SG: Non.

La clause qui empêche l’élection de deux conseillers d’Etat d’un même district est d’un autre temps et devrait être supprimée?

FF: Oui.

SG: Oui.

La présence du loup est-elle problématique en Valais?

FF: Oui.

SG: Oui.

La gauche a-t-elle sa place au gouvernement cantonal?

FF: Certainement.

SG: Oui, certainement.

L’unité cantonale est un mythe, il faut songer à la séparation du Valais en deux demi-cantons?

FF: Non.

SG: Non.

Le préambule de la Constitution cantonale doit rester «Au nom de Dieu tout-puissant»?

FF: Je soutiens la formule qui a été proposée par la commission chargée d’analyser ce préambule, à savoir: «Au nom de Dieu tout-puissant! Nous, Peuple du Valais, libre et souverain, Respectueux de la dignité humaine et de la Nature, Conscients de notre histoire et de la place du Canton dans la Confédération suisse, Voulant assumer nos responsabilités envers les générations futures, Résolus à forger une Société solidaire et un Etat fondé sur le Droit, Nous nous donnons la Constitution que voici».

SG: Je proposerais «Au nom de Dieu tout aimant».