Il y a les éléments qui font beaucoup parler d’eux. L’élection du Conseil d’Etat au système proportionnel, l’octroi du droit de vote aux étrangers au niveau communal ou encore le maintien du préambule «Au nom de Dieu tout-puissant!». Mais le travail de refonte de la Constitution valaisanne, dont la première lecture du projet s’est terminée fin 2021, ne se résume pas aux objets qui suscitent les réactions les plus épidermiques. Le texte, tel qu’élaboré jusqu’à maintenant, recèle également des avancées novatrices, qui placeraient le Valais à l’avant-garde. Le si souvent baptisé «Vieux-Pays» pourrait ainsi casser avec son image conservatrice et donner de nombreuses idées à d’autres cantons, voire même inspirer à l’échelon fédéral. Tour d’horizon.

■ L’intégrité et l’identité numérique

A l’heure où le numérique est omniprésent dans nos vies, les constituants ont décidé de poser les bases des droits des citoyens cantonaux en la matière. Le texte propose dans un premier temps que «toute personne a droit à̀ son intégrité numérique, notamment sa capacité d’interagir librement par le biais de technologies numériques». L’idée est de protéger la liberté des individus quand ils utilisent ou sont surveillés par des technologies numériques, et que leurs données numériques, au même titre que de nombreux autres éléments de leur personnalité, soient protégées.

Les constituants ont également abordé la question de la «neutralité du Net». Bien que celle-ci relève en partie du droit fédéral et que l’expression n’apparaisse pas dans le texte, ce dernier assure que «toute personne a droit à un accès ouvert et sans discrimination au réseau internet». L’objectif est d’éviter, outre une censure à la chinoise, l’instauration d’un réseau à plusieurs vitesses, qui nécessiterait le paiement de suppléments pour avoir accès à certains services, ou pour être connecté au réseau depuis son domicile en fond de vallée. Si l’on tire un parallèle avec le monde de la circulation routière, cela reviendrait à devoir payer un abonnement pour utiliser la voie de dépassement sur l’autoroute, ou un supplément pour que la route arrive jusqu’à sa maison. Or, cela n’existe pas sur la route et il doit en être de même en ce qui concerne internet.

■ Le droit à un contact humain

Alors que le numérique prend toujours plus de place dans notre société, les constituants ont souhaité mettre des garde-fous au tout numérique et à la mainmise de l’intelligence artificielle. Ils ont créé, en quelque sorte, un rempart à un usage exagéré des algorithmes. Le texte indique que «toute personne a droit à un contact humain dans les situations essentielles à la sauvegarde de ses droits». Cela signifie que pour des décisions importantes, que ce soit en matière de soins, de justice ou encore de fisc, chaque personne puisse demander que son cas soit traité par un humain et non pas exclusivement par une machine.

■ Le congé parental

En septembre 2020, le peuple suisse a accepté l’instauration d’un congé paternité. En place depuis le 1er janvier 2021, il permet aux pères qui exercent une activité lucrative d’avoir droit à un congé de paternité de deux semaines. La Constituante valaisanne fait un pas de plus en intégrant dans le futur texte fondateur du canton le concept de congé parental. Il est précisé que «en l’absence d’un congé parental fédéral, l’Etat met en place un dispositif de congé parental cantonal». Le Grand Conseil devra, par la suite, régler les détails, notamment la durée, de ce congé parental cantonal.

■ L’égalité et le principe de non-discrimination

Si le principe de non-discrimination est déjà une réalité en Suisse, l’Assemblée constituante valaisanne fait un pas de plus en élargissant la liste des discriminations possibles inscrite dans la Constitution fédérale. Le texte précise notamment que «nul ne doit subir de discrimination du fait de son apparence physique, de son identité de genre ou de son patrimoine génétique». La liste intègre ainsi les minorités aujourd’hui clairement identifiées et les reconnaît explicitement. Mais elle ne se veut pas pour autant exhaustive, les constituants soulignant la dimension d’exemple des discriminations citées.

■ Le Tribunal du droit de la famille

Au sein des instances judiciaires, les Tribunaux du droit de la famille font leur apparition. Ils seront compétents pour «statuer en première instance sur toutes les questions qui se rapportent au droit des personnes, au droit de la famille et au droit des successions». Cela comprend également la législation liée au partenariat enregistré. Ces tribunaux sont destinés à remplacer, à terme, les actuelles Autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA), qui ont passablement défrayé la chronique ces dernières années.

■ La représentation des femmes et des hommes dans les autorités politiques

Si elle n’instaure pas de quotas à proprement parler, la Constituante valaisanne ouvre la porte à des mécanismes permettant un meilleur équilibre entre femmes et hommes en politique. Le texte propose que «si la répartition entre femmes et hommes dans les autorités politiques est durablement déséquilibrée, la loi peut prévoir une mesure limitée dans le temps visant à̀ corriger ce déséquilibre». Il reviendra au Grand Conseil de définir ce qu’est un déséquilibre durable et si ce dernier est avéré d’instaurer des mesures, dont il devra préciser la nature. De l’obligation de la parité sur les listes électorales à l’instauration de quotas purs et durs, mais limités dans le temps, tout est imaginable.

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Les innovations présentées ci-dessus ont toutes été acceptées par l’Assemblée constituante lors de la première lecture du texte, certaines plus largement que d’autres. Quelques changements pourraient intervenir lors de la deuxième lecture, qui débutera, au plus tôt, à la fin du printemps.