Jeux olympiques
Les partisans de Sion 2026 veulent organiser l’événement pour le bien de la jeunesse. La nouvelle génération, elle, n’en a cure. Le projet ne la passionne pas

La nouvelle génération. Voilà la principale gagnante de l’organisation de Jeux olympiques en Suisse. Les partisans du projet Sion 2026 ne cessent de le répéter et un détour sur leur page Facebook permet de le constater. Une grande partie de la communication fait la part belle à la jeunesse. Les JO y sont présentés comme «une chance pour les jeunes», qui n’ont rien à craindre, mais tout à y gagner. Et pourtant, la nouvelle génération ne semble pas convaincue par ce discours. Selon le sondage réalisé par les médias valaisans début mai, 45% des 18-29 ans ont l’intention de glisser un oui dans l’urne le 10 juin alors que 48% penchent pour le non. Et notre enquête donne raison au sondage.
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Des jeunes partagés
Tous les interlocuteurs que nous avons contactés, qu’ils soient partisans, opposants ou encore indécis, constatent que le sujet divise la nouvelle génération. Président de la Fédération des jeunesses valaisannes et incertain quant à ce qu’il votera, Jérémie Roduit avoue ne pas évoquer le sujet avec son comité et son entourage pour éviter les problèmes. «C’est un sujet qui peut amener à des conflits entre partisans et opposants, qui sont au coude-à-coude au sein des jeunes, 50-50», estime-t-il selon son ressenti sur le terrain. Une sensation partagée par Thomas Birbaum, président des Jeunes libéraux-radicaux (JLR) valaisans et partisan des Jeux olympiques. Cette division au sein de la jeunesse ne l’étonne pourtant pas. «Le thème des Jeux olympiques n’attire pas notre génération, au contraire de la loi sur les jeux d’argent, également en votation le 10 juin. Les jeunes ont peur qu’on leur verrouille internet.»
Concernant le projet Sion 2026, Thomas Birbaum sent une cassure au sein de la jeunesse valaisanne. D’un côté les jeunes de la plaine du Rhône, principalement opposés au projet, et de l’autre ceux des vallées latérales, favorables aux Jeux olympiques. Délégué cantonal à la jeunesse, Cédric Bonnébault a une explication: «Les sportifs qui ont fait vibrer la Suisse lors des derniers JO de Pyeongchang viennent des vallées transversales. Il existe certainement une motivation supplémentaire chez les jeunes de ces vallées, proches de ces sportifs, pour accueillir les Jeux olympiques et vivre de telles émotions en Valais.»
Ni frustration, ni revanche
Les jeunes ne sont donc ni unanimes ni enthousiastes au sujet de Sion 2026. Mais comment expliquer alors cette dualité entre les générations, avec d’un côté les «vieux» qui veulent obtenir les JO pour le bien de la jeunesse et de l’autre les jeunes qui ne s’enflamment pas pour ces Jeux? Pour les opposants, la réponse est simple. «Notre génération n’a pas connu la désillusion de la Planta en 1999, lorsque Turin a été désignée ville hôte pour les JO de 2006, analyse Jérôme Amos, président des Jeunes UDC du Valais romand. Il n’existe donc pas cette frustration, ni cet esprit de revanche que l’on peut, peut-être, retrouver chez les générations qui nous précèdent.»
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Florent Morisod, coprésident des Jeunes Verts valaisans, va plus loin dans la réflexion. Il estime que Sion 2026 est à l’opposé de ce que veut le Valais d’aujourd’hui, et en particulier la nouvelle génération. «La grande faiblesse du projet, c’est qu’il est porté par un Valais dépassé, celui des conservateurs et des entrepreneurs, auquel les jeunes ne s’identifient plus. Une situation que l’on a déjà vécue en mars lors de la votation sur la révision de la Constitution cantonale. Le peuple est allé à l’encontre des partis conservateurs en donnant le mandat à une Constituante.» Président des Jeunes socialistes du Valais romand, Simon Constantin appuie ces propos. «Les générations de nos parents et de nos grands-parents avaient une vision bien précise du tourisme, basée sur les résidences secondaires. Cette vision, à court voire moyen terme, a mené le Valais dans une impasse, avec la Lex Weber et la LAT. Pour léguer quelque chose à la jeunesse, elles proposent donc les Jeux olympiques, le dernier projet qu’elles n’ont pas encore réalisé.»
Des arguments mensongers
Cette idée, les partisans de Sion 2026 ne la partagent pas. Thomas Birbaum, président des JLR, estime que les raisons qui poussent les jeunes à s’opposer au projet sont identiques à celles de leurs aînés, notamment la peur d’une possible dette. Son homologue des Jeunes démocrates-chrétiens du Valais romand, Tristan Neurohr, considère quant à lui que l’explication se trouve dans la campagne elle-même. «Beaucoup d’arguments mensongers sont développés depuis le début de la campagne. Les jeunes ne font plus la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Ils sont tout simplement perdus.» Pour lui, la décision finale de ses contemporains est tributaire d’une chose bien simple: «Si la première personne qui leur a parlé des JO était en faveur du projet et leur a transmis la flamme ils glisseront un oui dans l’urne, sinon ils s’opposeront au projet.» Une option que le président des JDCVr peine à concevoir. «Tant le projet que les investissements à consentir pour le Valais sont mesurés. Je ne comprends pas comment un jeune peut voter contre Sion 2026», conclut-il.
Les tops et les flops de la campagne sur les JO
Le sort du projet Sion 2026 se joue dimanche 10 juin, après de longs mois de campagne, qui ont permis à plusieurs politiciens de se faire un nom
La campagne sur les Jeux olympiques touche à sa fin en Valais. Dimanche, on saura si les citoyens soutiennent ou non le projet Sion 2026. «Enfin», disent certains, tant la campagne a été longue. Elle a duré plusieurs mois et a été le théâtre de nombreux rebondissements. Si elle a permis à certaines personnalités d’émerger, d’autres s’en sont moins bien tirées. Tour d’horizon.
Le premier couac survient le 21 septembre 2017, aux abords de la pelouse du Cornaredo à Lugano. Christian Constantin, le président du FC Sion, fesse le consultant Rolf Fringer. A la suite de ce geste, et pour ne pas entraver la candidature, le promoteur de Martigny quitte l’aventure Sion 2026, dont il est l’un des initiateurs.
Christian Constantin omniprésent
Mais il ne pourra s’empêcher, par la suite, de faire immersion dans la campagne: en allumant une flamme – ou plutôt un baril de fioul – au sommet du Cervin, en compagnie de l’ancien skieur Pirmin Zurbriggen et du conseiller d’Etat Christophe Darbellay, un événement raté qui a plus desservi qu’aidé les partisans du projet. Il occupe ensuite le terrain avec son livre Je voulais vous dire, un plaidoyer pro-JO envoyé à tous les ménages valaisans.
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Christian Constantin n’est pas le seul membre du comité de candidature à avoir eu des soucis. Le Vaudois Jean-Philippe Rochat, irréprochable président de Sion 2026, est obligé de quitter son poste en décembre 2017, son étude d’avocats étant apparue dans la liste des Panama Papers. Son successeur est désigné dans la foulée. Jürg Stahl, conseiller national UDC et président de Swiss Olympic, reprend les rênes. Près de six mois plus tard, force est de constater que le Zurichois s’est fait très discret durant cette campagne.
Frédéric Favre se révèle
Semblant parfois esseulé, c’est Frédéric Favre, le conseiller d’Etat chargé des sports, qui a porté le projet sur ses épaules. Néophyte en politique lors de son élection au gouvernement cantonal en mars 2017, le libéral-radical a prouvé que le costume de ministre n’était pas trop grand pour lui.
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Dans le camp des opposants, deux hommes de signes politiques diamétralement opposés se sont particulièrement illustrés durant cette campagne: le Vert Thierry Largey, député depuis novembre 2016, et le coprésident de l’UDC du Valais romand Cyrille Fauchère, également conseiller municipal à Sion. S’ils n’étaient pas totalement inconnus en Valais avant le début de cette campagne, ils se sont assurément fait un nom en s’opposant fermement à la candidature de Sion aux Jeux olympiques de 2026.