Johan Rochel: «La dynamique des partis de gauche va clairement changer»
Élections fédérales
ANALYSE. Observateur politique et constituant valaisan, Johan Rochel prévoit le renforcement des «ailes vertes» du PS et applaudit celui des Vert’libéraux

Docteur en droit et philosophe, Johan Rochel a contribué au mouvement Foraus et a été élu à la Constituante valaisanne, pour le mouvement Appel citoyen. Passionné d’éthique et d’innovation, il est codirecteur du bureau Ethix et c’est à ce titre qu’il a collaboré à l’élaboration de la charte écologique que Le Temps a soumise aux candidats aux élections fédérales. Questions à un observateur avisé de la politique fédérale.
Le Temps: Les résultats concordent-ils avec vos prévisions?
Johan Rochel: Oui, je suis satisfait de voir les questions de durabilité prendre plus d’importance et l’UDC reculer. Le renforcement des Vert'libéraux en Suisse romande et en Suisse alémanique est également une bonne nouvelle. Un regret: la situation des femmes s’améliore, mais la parité est encore loin. Cela doit rester notre objectif.
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La montée des Verts se fait notamment au détriment du Parti socialiste. Les écologistes vont-ils devenir le parti qui tire l’autre dans leur alliance?
Le PS reste le 2e parti du pays, mais la dynamique générale des partis de gauche va clairement changer. Et j’imagine qu’au sein du PS lui-même les ailes «vertes» vont se renforcer. Sur ce point, le renforcement des Vert’libéraux est une très bonne nouvelle. Ils vont diversifier les discussions politiques sur les moyens pour mettre en œuvre une politique plus durable. Avec certains PDC, ils ont une vraie opportunité de jouer un rôle de «pont». Sur les sujets de société, les partis de gauche et du centre auront la chance de renforcer la Suisse progressiste et de s’allier avec certains PLR. J’y vois un immense potentiel pour des sujets de la plus haute importance, comme la politique numérique ou l’Europe.
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Qui, diriez-vous, sont les grands perdants de ces élections?
Le perdant politique est clairement l’UDC, tant sur le fond que sur la forme. L’UDC n’a rien à proposer sur la durabilité et ses pratiques en matière d’égalité homme-femme ont été montrées du doigt. Cependant, les thèmes de la campagne n’expliquent pas tout, c’est un style qui est sanctionné. Les citoyennes et citoyens veulent des élus constructifs et intéressés à développer ensemble des solutions. Ils ne veulent pas de campagne avec des pommes pourries et des vers. Les autres perdants, sur le plan de la représentativité générale du parlement, pourraient bien être les femmes. Sur cette question, nous devons passer à la vitesse supérieure. Il faut que tous les partis, surtout à droite, avancent vers la parité. Et nous devrions réfléchir à comment faire évoluer le processus électoral pour casser des discriminations structurelles.
Totaliser les voix vertes et vert'libérales pour revendiquer un siège au Conseil fédéral, est-ce créatif ou totalement injustifié?
Cette discussion n’a pas lieu d’être pour l’heure. Il faut que les majorités changent sensiblement au Conseil des Etats pour que cette question devienne d’actualité.
La participation, elle, n’a pas vraiment décollé. Elle devrait rester en dessous de 50%. Décevant?
Le vote est une liberté, ne pas aller voter est également un choix politique. Le vrai défi, c’est de renforcer les capacités des citoyennes et citoyens à faire ce choix. Nous devons focaliser nos efforts sur toutes les personnes qui se sentent illégitimes, incompétentes ou qui ont l’impression d’être en dehors de la société. Le vrai danger pour la démocratie se joue ici.
Selon les sondages, la retraite reste la préoccupation principale des Suisses, et pourtant le thème a été totalement absent de la campagne. Comment l’expliquer?
Le thème n’est pas facile à traiter dans une campagne où on doit pouvoir communiquer de manière claire et concise, si possible de manière un peu sulfureuse pour gagner l’attention. Les discussions sont nécessairement complexes. Le temps de la campagne n’est pas le temps des solutions patiemment construites. Ce qui me paraît clé, c’est de choisir des personnalités capables de dépasser le temps de la campagne permanente pour aller vers des positions équilibrées.
Et le thème de la migration, si présent il y a quatre ans, ne fait plus vraiment recette, alors qu’il reste lui aussi d’actualité.
La politique migratoire serait l’un des grands tests de la prochaine législature. Et je ne pense pas en priorité à l’asile, mais bien à la libre circulation des personnes avec l’Europe. La position de la gauche – PS et Verts – est ambiguë sur cette question. J’espère que de nombreux élus de ces partis, des Vert'libéraux et du PLR s’allieront pour défendre l’idée que la migration est une opportunité. Opportunité pour les migrants, mais également pour la Suisse.