Ski
Les remontées mécaniques de Champéry s’apprêtent à inaugurer un gigantesque bassin de rétention d’eau destiné à fournir de la neige artificielle. Une assurance pour les débuts de saison qui rassure les responsables du domaine skiable valaisan

Ce fut leur chantier du siècle. C’est avant tout leur planche de salut. Incarnée dans un lac de rétention artificiel, baptisé lac du Chaudron, elle permettra aux remontées mécaniques de Télé Champéry de voir l’avenir plus sereinement. Mardi, à Champéry, les membres de l’administration des remontées mécaniques de la station valaisanne ont présenté les travaux finis de leur retenue collinaire, une expression triviale pour qualifier un bassin de 99 850 mètres cubes d’eau qui permettra l’enneigement artificiel des pistes stratégiques des Crosets.
Creusée au cœur du domaine skiable, cette réserve d’eau a pour but de couvrir 50 km de pistes avec une couche de 30 centimètres de neige. Le tout en 48 heures. C’est bien ce court délai qui est salvateur pour le domaine. «Avant, il nous fallait un mois pour atteindre le même enneigement. Produire de la neige plus rapidement nous permettra d’être prêts à Noël, explique Pascal Bergero, le directeur de Télé Champéry. Il s’agira de notre garantie neige.»
Pour Télé Champéry, la saison en cours est réjouissante. De 15,2 millions de francs de chiffre d’affaires, il y a un an, les remontées sont passées à 16,1 millions. Une hausse de 6,1% qu’elles attribuent à la fois aux chutes de neige généreuses, mais aussi aux effets collatéraux du Magic Pass, dont elles ne font pas partie. «Cet abonnement a pour mérite de dynamiser l’intérêt pour le ski», atteste Enrique Caballero, secrétaire et administrateur de Télé Champéry.
Peu importe la saison
Mais malgré ces bons résultats, les remontées de Télé Champéry ont fait le choix de prévenir plutôt que de guérir. Peu importe si les oracles prédisent une bonne ou une mauvaise saison, la neige artificielle recouvrira ces pistes. Dans l’idéal, cette couche disposée avant l’ouverture du domaine n’aura pas besoin d’un nouvel apport de neige. Si l’on exclut toute forme d’imprévu météorologique grave, il ne suffirait donc plus qu’à entretenir le manteau pendant l’hiver. Les pentes alentour sont désormais pourvues de 100 canons à neige, alors qu’auparavant il n’y en avait que huit.
Y a-t-il donc logiquement beaucoup plus d’énergie mise à contribution? «Sur le moment oui, bien sûr! répond Pierre-Marie Fornage, le président de Télé Champéry. Mais puisque le canonnage est limité à deux jours, l’énergie utilisée à ces fins est moindre qu’aujourd’hui, lorsqu’on canonne au coup par coup.»
L’homme est soulagé. Pour lui, cette option est indispensable. «Elle est même vitale», ajoute-t-il. Devant lui, sous les bourrasques de foehn, s’étend le bassin de rétention. «Voilà le résultat de deux ans de travail intense.» Nous sommes entre deux bassins versants, à cheval entre les communes de Champéry et de Val-d’Illiez. L’eau contenue sous nos yeux n’est pas potable. Elle est tirée de deux torrents qui serpentent de part et d’autre de la limite de partage des eaux.
En circuit fermé
Il a fallu cinq ans de procédures administratives pour que Télé Champéry devienne propriétaire des lieux et entame les constructions. Le président évoque également les négociations nécessaires avec les ONG et les agriculteurs. «Ils pourront se fournir en eau dans le bassin en cas de sécheresse», précise-t-il. Et si la sécheresse s’avère particulièrement longue? «Il nous a été recommandé de pomper l’eau en fin de saison, lors de la fonte des neiges. Ainsi nous fonctionnerons en quelque sorte en circuit fermé. Ce bassin permet de la stocker pendant l’été.»
L’homme le répète: «C’est une infrastructure énorme.» Dans l’ensemble, elle a coûté 11,5 millions de francs aux remontées mécaniques de Télé Champéry. Une somme que les membres de l’administration espèrent amortir en quinze ans. «Cette saison, l’installation n’a pu être utilisée qu’à capacité réduite, mais elle fait déjà des miracles», atteste Pascal Bergero. Il en veut pour preuve l’augmentation du nombre de passages de la France vers la Suisse. «Un effet direct du bon enneigement», précise-t-il.
Les Suisses veulent attirer les Français
Réunies il y a une année sous le sceau de la société Portes du Soleil Suisse SA, les quatre entités de remontées mécaniques du versant helvétique du domaine franco-suisse (Champéry-Les Crosets, Morgins-Champoussin, Chatel et Torgon) ambitionnent d’affronter ensemble la baisse d’affluence de skieurs et le réchauffement climatique. Leur stratégie passe notamment par les infrastructures.
En remplaçant les installations existantes par des nouvelles, plus performantes et mieux disposées selon la topographie, les remontées mécaniques souhaitent améliorer les temps de trajet et attirer les skieurs des stations françaises congestionnées. Leur chiffre d’affaires dépendant du nombre de passages, la fluidité des remontées s’avère être un critère essentiel.