Retarder le début des cours pour améliorer la santé des adolescents
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A la puberté, l’horloge interne se cale sur des horaires plus tardifs et les adolescents ne peuvent rien contre ce changement biologique. Pour y faire face et améliorer le bien-être des étudiants, certaines écoles commencent à décaler d’une heure le début de journée

La sonnerie qui marque le début de la journée retentit. Il est 8h55. Depuis le passage à l’heure d’hiver fin octobre, l’école privée Ardévaz, à Sion, a décidé de retarder de quarante-cinq minutes le début de ses cours. La volonté émane de la direction de l’établissement dont l’objectif est simple: améliorer le bien-être des élèves. «De nombreux étudiants de notre école ont des trajets relativement longs pour venir jusqu’à Sion. Pour leur éviter un lever aux aurores et un trajet en transports publics de nuit et ainsi améliorer leur début de journée, nous testons, durant la période hivernale, ce nouvel horaire», indique Alexandre Moulin, le directeur de l’Ecole Ardévaz.
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour constater un lien de cause à effet. Ce dernier a été immédiat, indique Alexandre Moulin. Le bien-être des élèves, qui valident à la quasi-unanimité la démarche, et leur état d’esprit se sont améliorés. D’autres effets, auxquels la direction de l’établissement ne s’attendait pas, ont également été remarqués. Les résultats des élèves sont meilleurs et les retards, le matin, ont disparu. «Depuis la mise en place du nouvel horaire, les étudiants ne prennent plus les transports aux heures de pointe, heures lors desquelles ces derniers sont souvent en retard», souligne Alexandre Moulin, qui précise que l’heure de fin des cours n’est pas impactée par cette décision, puisque c’est la pause de midi qui a été écourtée, pour ne plus durer qu’une heure désormais.
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Décalage de l’horloge interne
Derrière la décision prise par l’Ecole Ardévaz se cache une réalité scientifique, dont le directeur de l’établissement a pris connaissance au travers de plusieurs études. A la puberté, l’horloge interne de l’adolescent subit un changement et va se caler sur des horaires plus tardifs. La mélatonine, l’hormone du sommeil, étant sécrétée plus tard dans la journée chez l’adolescent que chez l’enfant, l’envie de sommeil s’en retrouve également retardée. «S’il peut être amplifié par des paramètres externes, comme l’utilisation des écrans, ce changement est avant tout un changement biologique, contre lequel l’adolescent ne peut pas lutter», insiste la psychiatre Tifenn Raffray.
Pour la codirectrice du centre du sommeil de Florimont à Lausanne c’est donc «un non-sens» que de demander aux adolescents de se lever tôt pour aller à l’école. «Très vite, ils vont se retrouver en dette de sommeil. Cela peut entraîner des somnolences durant la journée, un manque de motivation, des difficultés d’apprentissage ou encore des symptômes dépressifs», détaille la médecin du sommeil.
Mais encore faut-il que les élèves ne profitent pas d’un début des cours décalé pour reporter l’heure du coucher. «Les études sur le sujet démontrent que ce n’est pas le cas. Retarder l’heure du début des cours d’une heure permet réellement aux adolescents de dormir une heure de plus», appuie la psychiatre. Une affirmation confirmée par les premiers retours des étudiants de l’Ecole Ardévaz. «Ils nous assurent que, malgré un début des cours retardé, ils n’en profitent pas pour prolonger leurs soirées avant d’aller se coucher», indique Alexandre Moulin.
Bénéfice pour les transports publics
Pour Tifenn Raffray, il n’y a donc que des effets bénéfiques à retarder l’heure du début des cours. «Et pas que pour la santé des adolescents, souligne-t-elle. De telles décisions permettent également, par exemple, de désengorger les transports publics.» C’est d’ailleurs cette réalité qui a poussé le Lycée-Collège de l’Abbaye de Saint-Maurice, en collaboration avec RegionAlps, qui exploite le transport régional en Valais, à décaler l’heure du début des cours depuis la rentrée d’août. Là aussi, il s’agit d’une phase de test, menée après plus de deux ans de réflexion.
La cité agaunoise, qui abrite un lycée-collège, mais aussi un cycle d’orientation, une école préprofessionnelle ou encore la Haute Ecole pédagogique valaisanne (HEP-VS), se retrouvait face à une problématique de surfréquentation durant près d’une heure le matin. Mais elle n’est pas un cas isolé. Dans le canton, plusieurs «nœuds» ont été identifiés aux heures de pointe. Selon les résultats obtenus à Saint-Maurice, les mêmes mesures pourraient être édictées ailleurs en Valais.
A l’avenir, les horaires d’autres centres de formation du secondaire II, à Sion par exemple, pourraient être décalés pour désengorger les transports publics valaisans. «Aujourd’hui, on investit plus dans l’intelligence du système que dans l’infrastructure», résume Vincent Pellissier, le chef du Service valaisan de la mobilité.
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La HEP-VS étudiera le sujet
Son homologue du Service de l’enseignement, Jean-Philippe Lonfat, indique qu’il désire mandater la HEP-VS pour réaliser une étude sur les bienfaits de la mesure prise à Saint-Maurice. «Je souhaite mesurer les effets pédagogiques de cette expérience en particulier. Si elle ouvre des pistes de réflexion, elle soulève également quelques critiques, notamment en ce qui concerne le raccourcissement de la pause de midi. Il y a des réflexions fines à mener», souligne Jean-Philippe Lonfat.
Les conclusions de l’étude à venir de la Haute Ecole pédagogique valaisanne pourraient-elles modifier, à l’avenir, les horaires de tous les étudiants du secondaire II du canton? C’est en tout cas le souhait de Tifenn Raffray, qui espère que, dans l’intérêt des adolescents, les mesures prises à Saint-Maurice ou à l’Ecole Ardévaz fassent tache d’huile dans les années à venir, comme cela s’est fait dans certains Etats américains ou encore en Angleterre.