«C’est un immense procureur qui renonce. Soyez immense, Monsieur le procureur.» Alors que l’audience touche à sa fin, Maître Marc Bonnant, dans la verve qui lui est propre, rappelle au représentant du Ministère public Jean-Pierre Greter, qui ne souhaite pas reprendre la parole, qu’il peut retirer son accusation contre son client, le conseiller national UDC valaisan Jean-Luc Addor. La proposition ne recevra aucune réponse. Les juges du Tribunal cantonal devront statuer. Le «On en redemande!» posté par le Saviésan, en août 2014, sur les réseaux sociaux dans les minutes qui ont suivi une fusillade à la mosquée de Saint-Gall, fatale à un ressortissant albanais, était-il ironique ou non?

Le Tribunal de première instance avait estimé qu’un «lecteur moyen non averti ne pouvait déceler dans le tweet litigieux une quelconque ironie». Il avait condamné l’élu UDC à 60 jours-amendes avec sursis pour discrimination raciale. Décision contre laquelle Jean-Luc Addor a fait recours, ce qui le place, à nouveau, sur le banc des accusés, ce vendredi à Sion.

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Ironie ou premier degré?

Dans la salle, quelques sympathisants ont pris place, à l’image de l’ancien ministre neuchâtelois Yvan Perrin. Le procureur Jean-Pierre Greter et Me Marc Bonnant ont enfilé leur robe. La séance peut débuter. Debout, face aux juges, Jean-Luc Addor répète sa justification de première instance: «En écrivant «On en redemande!» mon intention était de dire «Ça suffit!» on en a marre de ces étrangers qui viennent régler leurs comptes chez nous.» Il insiste: «Sincèrement, je pensais que les gens comprendraient l’ironie et ne prendraient pas ce commentaire au premier degré.»

Pour le Ministère public, au contraire, le tweet de Jean-Luc Addor est constitutif d’une infraction à l’article 261 bis du Code pénal, qui sanctionne notamment la discrimination raciale. Ses propos exprimant son souhait de voir un tel événement se répéter. L’actualité apporte de l’eau au moulin du procureur. Il voit dans l’élargissement de cette norme aux propos discriminant l’orientation sexuelle, accepté par le peuple début février, la preuve de l’importance «que le souverain attache aux principes de la dignité humaine et de la paix sociale, qui sont plus importants pour lui qu’une liberté d’expression illimitée». Jean-Pierre Greter demande donc la confirmation intégrale de la peine prononcée en première instance.

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Plaidoyer entre droit et politique

Se définissant comme un «avocat étranger en Valais», Me Marc Bonnant s’attelle, lui, puisqu’il ne peut que s’incliner devant l’existence de la norme pénale antiraciste, à démontrer que cet article de loi n’est pas applicable dans le cas d’espèce. Pour l’avocat genevois, l’article de presse auquel se référait son client n’évoquait pas le meurtre d’un musulman, mais «un règlement de compte mafieux» entre deux Albanais. Que ce drame ait eu lieu dans une mosquée ne fait pas de la victime un musulman, selon lui. «Le lieu où l’on meurt ne dit pas la croyance de la victime», assène-t-il, soulignant que la majorité des Albanais ne sont pas musulmans.

Comme en première instance, durant sa plaidoirie, Me Bonnant n’hésite pas à quitter le terrain du droit pour celui de la politique, assénant que la «peur de l’islam est légitime» si l’on ne souhaite pas être tous musulmans demain. «Et nous le serons! Vos enfants et vos petits-enfants appliqueront la charia», tonne-t-il, en s’adressant à la Cour. Dénonçant un procès politique, en conclusion de son plaidoyer, il demande aux juges de raisonner en droit, mais également de réfléchir à «l’effet de la décision qu’ils prendront», insistant sur le fait que, pour «les musulmans qui jubilaient», le jugement de première instance avait été perçu comme une «victoire de l’islam». Le verdict sera rendu ultérieurement.