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En Valais, le procureur général annonce son départ… dans les mois qui viennent

Souvent critiqué, Nicolas Dubuis partira après avoir mis en œuvre les recommandations du Conseil cantonal de la magistrature. Ce dernier avait dénoncé, en novembre dernier, la «situation de crise ouverte» dans laquelle se trouve le Ministère public cantonal

Nicolas Dubuis, lors d'une conférence de presse à Sion, en avril 2019. — © ADRIEN PERRITAZ / KEYSTONE
Nicolas Dubuis, lors d'une conférence de presse à Sion, en avril 2019. — © ADRIEN PERRITAZ / KEYSTONE

Nicolas Dubuis a créé la surprise ce lundi matin. Le procureur général valaisan a annoncé qu’il donnera sa démission au plus tard au 31 décembre prochain. Une annonce qui intervient deux mois, quasiment jour pour jour, après la publication du rapport du Conseil valaisan de la magistrature (CDM), lequel dénonçait la «situation de crise ouverte» dans laquelle se trouve le Ministère public cantonal. Ce document ne restera donc pas sans conséquences. Et elles sont multiples. Lucie Wellig, l’adjointe de Nicolas Dubuis, également fortement égratignée a, pour sa part, donné sa démission la semaine dernière et quittera l’institution en septembre.

«Je ne me défile pas. Je vais tout faire pour que l’institution fonctionne à l’avenir. Je veux un bateau dont la flottaison soit parfaitement réglée», a appuyé Nicolas Dubuis. L’annonce est tombée, par surprise, au milieu d’une conférence de presse consacrée au plan d’action devant remettre le Ministère public sur les rails. Souvent critiquée ces dernières années, l’institution fait face à une crise dont l’origine remonte aux années 2018 et 2019, années qui ont vu de nombreux procureurs expérimentés quitter leur poste, soulignait le Conseil de la magistrature en novembre.

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Une décision mûrement réfléchie

Personnellement, Nicolas Dubuis a aussi été passablement blâmé ces dernières années par le Grand Conseil. Au point que sa réélection au poste de procureur général par le parlement, en mai 2021, s’est déroulée à huis clos, afin de «protéger sa personnalité». L’annonce de son départ est-elle dès lors synonyme de constat d’échec? «Non, elle est le fruit d’une prise de conscience, issue d’une réflexion concernant mon avenir. Après quatorze années passées à la tête de l’institution instruction pénale, je veux une activité qui comprenne moins de travail administratif, pour me consacrer à ma passion qu’est le droit. Cela me manque dans ma fonction actuelle», répond-il, en soulignant que «plus [il] attend, moins il sera bon sur le marché du travail».

Chef du groupe du Centre du Valais romand au parlement – parti auquel appartient Nicolas Dubuis –, Vincent Roten estime que, «compte tenu des derniers rapports, nous pouvions nous attendre à un changement à la tête du Ministère public et notamment à la démission de la procureure générale adjointe, qui n’est pas une surprise», appuie-t-il.

Lire églement: Le parlement valaisan se cache pour choisir son procureur général

Soulagement pour de nombreux partis

Au sein des autres formations politiques, c’est une forme de soulagement qui règne. «Nous prenons acte, avec satisfaction que les choses bougent et que les responsabilités qui devaient être prises l’ont été. Cela sera bénéfique pour l’institution, qui va retrouver de la sérénité, mais aussi pour les justiciables du canton», appuie Sonia Tauss-Cornut, la cheffe de groupe des libéraux-radicaux au parlement, un parti qui n’a jamais caché ses griefs à l’égard du Ministère public et son procureur général.

Céline Dessimoz, son homologue des Vert·e·s, souligne la capacité de Nicolas Dubuis «à se remettre en question et à prendre des décisions qu’il estime juste pour lui et pour le système». «Etant donné qu’une réorganisation se profile pour l’institution, c’est une bonne chose de partir avec un nouveau jeu de cartes», image-t-elle. Et Sarah Constantin, cheffe du groupe Parti socialiste et Gauche citoyenne, d’ajouter: «On entend enfin les critiques répétées depuis des années. On ne peut désormais que souhaiter trouver un (ou une) procureur général qui ose prendre à bras-le-corps les dossiers les plus compliqués.»

«Il faut des moyens supplémentaires»

Ces critiques, Nicolas Dubuis les connaît trop bien. Face à la presse, il les a d’ailleurs anticipées. «Mon but a toujours été d’instruire. J’aimerais le faire plus. Mais il est impossible de gérer l’institution dans son ensemble, y compris un office [En Valais, le procureur général est à la tête de l’office central, qui traite notamment les affaires les plus importantes du canton] et d’instruire en même temps», appuie-t-il.

Et de poursuivre: «Il faut des moyens supplémentaires, à l’image de greffiers ou de services généraux comprenant les ressources humaines, la logistique ou l’informatique. Cela fait des années que je le dis. Je suis heureux que cela se retrouve dans le rapport du Conseil de la magistrature et que ces améliorations soient sur la bonne voie.» On ne peut s’empêcher d’y voir une pique au Grand Conseil, qui alloue ces ressources supplémentaires, et qui n’a jamais été avare en critiques à l’égard de Nicolas Dubuis.