Michel Hoffman, le directeur limogé, va dans le même sens quand il demande la publication d'un rapport du Contrôle des finances (CCF) d'avril 2003, qui n'a jamais été publié. Selon lui, ce rapport atteste que la responsabilité de l'Etat est en jeu dans l'absence de définition claire des compétences financières et la passivité de l'autorité face au surendettement et au déficit chronique. Le Conseil d'Etat, auquel il appartient de se prononcer sur une telle publication, devrait statuer prochainement, indique Nicolas Gyger, le porte-parole de Pierre Chiffelle.
En contraignant Michel Hoffman à la démission forcée, le conseiller d'Etat Pierre Chiffelle tend à faire porter au directeur de la Fareas une part déterminante dans la débâcle financière de la Fareas: trop axé sur le social, il aurait montré une détermination insuffisante à renforcer la gestion de la maison.
Cette version des faits est très commode pour le gouvernement et la classe politique, qui ont laissé perdurer depuis des années une situation insatisfaisante. On peut notamment s'interroger sur le rôle des administrateurs qui se sont succédé comme patrons de la Fareas depuis trois ans, sans en avoir forcément les compétences ou les moyens.
Un petit rappel historique s'impose. En mars 2001, le conseil d'administration démissionne en bloc: il a été sévèrement mis en cause dans l'affaire des flux financiers avec l'Office fédéral des réfugiés (ODR), qui se solde par une dette de 18 millions pour la fondation. Depuis lors, c'est le régime des administrateurs uniques. Une situation provisoire censée ne durer que le temps de donner à la Fareas un nouveau statut juridique. Mais le provisoire dure depuis trois ans maintenant, accompagné d'une véritable valse des administrateurs. Du premier, Walter Kobler, un ancien directeur général de Baumgartner Papiers, la chronique n'a retenu que le montant (380 000 francs) que l'Etat versait pour lui à un chasseur de têtes. Eric Golaz, candidat radical malchanceux au Conseil d'Etat, lui succède en mai 2002. Moins d'un an plus tard, nommé par Pierre Chiffelle chef du Service de justice, de l'intérieur et des cultes (SJIC), il quitte sans regret la Fareas, dont l'affaire de Vugelles-La Mothe lui aura montré les difficultés. Pour remplacer Eric Golaz, l'Etat nomme alors Olivier Kernen, dont le mandat pour Expo.02 est terminé et dont les Yverdonnois ne veulent plus comme syndic. Le poste d'administrateur de la Fareas serait-il dévolu aux politiciens à recaser?
Si Eric Golaz passe pour avoir été très peu présent dans la vie de la Fareas, Olivier Kernen s'est intéressé davantage à l'opérationnel. Les collaborateurs de la Fareas retiennent son opposition à l'installation de réfugiés au Motel des Bains d'Yverdon, bien plus que les propositions qu'il aurait pu faire pour améliorer la gestion de la Fareas. Interrogé vendredi sur ses vues, Olivier Kernen entend réserver la primeur de son programme au personnel.
La couche intermédiaire du ou des administrateurs, dont l'histoire de la Fareas montre à la fois l'utilité douteuse et la commodité lorsqu'il s'agit de se renvoyer les responsabilités, doit disparaître avec le nouveau statut d'établissement de droit public que la Fareas devrait recevoir. Mais cette réforme est aujourd'hui remise en question: alors que la commission parlementaire a renvoyé au Conseil d'Etat la copie du projet de loi en dénonçant ses insuffisances, Pierre Chiffelle est tenté de s'appuyer sur les difficultés en cours pour revenir à la charge avec une étatisation à laquelle il a toujours donné sa préférence. Les dispositions légales imposant une répartition équitable des requérants sur tout le territoire, promises il y a un an, se font également attendre. La première chose à faire désormais, pour le ministre vaudois de l'asile, c'est obtenir du parlement la garantie d'Etat permettant d'éviter la faillite de la Fareas.