Vaud. Vevey remodèle péniblement sa précieuse façade lacustre
VAUD
Depuis la Fête des Vignerons, la ville hésite entre un dégagement sur le Léman et un mail d'arbres hérité du passé sur sa place du Marché
Conséquence de la Fête des Vignerons 99, Vevey réfléchit à sa vitrine sur le lac. Après l'abattage des arbres bordant la fameuse scène ce printemps, l'exécutif veveysan souhaite maintenant conserver l'impressionnante «plongée dans le Léman». Comme le relatait mardi La Presse Riviera/Chablais, il souhaite faire voter les citoyens sur la question. A l'ouest de la place, le propriétaire d'un pavé d'habitations ouvrières de 1930 a reçu le permis de démolir grâce à l'appui de la ville. Alors que deux recours sont pendants auprès du Tribunal administratif, des architectes démontrent qu'une réhabilitation du concept existant aurait, en termes de taux, la même rentabilité que le nouvel immeuble. Entre ces deux zones de la promenade du bord du lac, la Ville colmate tant bien que mal une bâtisse de 1848, le château de l'Aile, qu'elle regrette d'avoir chèrement acquis il y a dix ans.
Ce printemps, les bûcherons chargés de la coupe des arbres bordant la place du Marché avaient été pris à partie par des Veveysans enchaînés aux troncs. Auparavant, lors de la mise à l'enquête précédant la Fête des Vignerons, la Ville s'était engagée à les replanter, notamment auprès de défenseurs de l'environnement. Elle proposait de rétablir un mail de 21 arbres répartis sur 3 rangées, supposé avoir toujours existé, puisqu'il figure sur les gravures de Vevey les plus anciennes. Ebranlé par la beauté de la vue sans obstacle dévoilée lors de la Fête, la municipalité, dans sa majorité, préfère désormais la vue. Elle propose donc une deuxième variante pour border cet espace dont on dit qu'il est l'une des plus grandes places urbaines d'Europe: laissant sans arbres le milieu, on planterait une allée d'arbres à l'est et une autre à l'ouest de la baie. Les deux cabanons, un kiosque et un loueur de bateaux, seraient dans les deux cas cachés sous les arbres. «Les trois quarts de mon entourage plaident pour le dégagement», avance le syndic Yves Christen. La municipalité peine visiblement à trancher. Elle conseille à son parlement de faire voter les Veveysans sur la question l'an prochain. Coût de chaque variante: environ 2,3 millions.
Bordant la place à l'ouest, le château de l'Aile, fantaisie néogothique en mollasse habitée à vil prix par une poignée d'heureux, est une épine dans le pied de la Ville. Habité par l'écrivain Paul Morand, acheté en 1989 à la famille Couvreu pour 5,5 millions, cet ouvrage classé (classe 1) lui coûte environ 200 000 francs par an en intérêts et entretien d'urgence. Après l'échec d'un projet hôtelier, Vevey cherche depuis un an à le vendre auprès de courtiers internationaux, sans succès à ce jour.
En poursuivant la promenade vers l'ouest, sur le quai Maria Belgia, un pavé menacé et squatté depuis l'éviction des locataires rappelle un passé industriel. Bâti dans les murs originaux des manufactures de cigares Rinsoz & Ormond, qui ont embauché là jusqu'à 900 cigarières entre 1848 et 1930, «c'est un ensemble à la qualité de vie exceptionnelle», plaide Laurent Lavanchy. Cet aumônier universitaire, voisin des lieux et «très attaché au patrimoine veveysan» avait réuni 2500 signatures en six jours en 98 pour contrer le projet du propriétaire.
Aujourd'hui, nanti du rapport d'un collectif d'architectes indépendants mandaté par le Comité de sauvegarde du patrimoine architectural qu'il préside, il tient à démontrer que la grande solidité de l'ouvrage permet d'envisager une rénovation douce. «Conserver ce complexe est économiquement tout aussi rentable que sa démolition et reconstruction (5% d'intérêts), plus écologique, et respectueux du patrimoine», selon Boris Abbet, l'un des architectes auteurs du rapport. Le municipal socialiste Pierre Chiffelle défend le projet du propriétaire: «Il y aura plus d'habitants, des loyers plus élevés donc une classe moyenne supérieure qui nous vaudra de meilleures rentrées fiscales.» Laurent Lavanchy rétorque: «On a confondu squat et insalubrité. Ici, la seule logique urbanistique est celle de l'argent.»