Bientôt cinq mères au gouvernement vaudois?
Représentation
L’élection de Rebecca Ruiz pour remplacer Pierre-Yves Maillard ferait passer à cinq le nombre de femmes au Conseil d’Etat vaudois. Une première en Suisse

Elles sont quatre, elles seront peut-être bientôt cinq ministres femmes – sur sept – au gouvernement vaudois. Une majorité qui relève de l’exotisme pour celles qui, leur vie durant, ont exercé leurs mandats politiques minoritairement. La PLR Jacqueline de Quattro, la Verte Béatrice Métraux et les deux socialistes Nuria Gorrite et Cesla Amarelle verront peut-être la favorite à la succession de Pierre-Yves Maillard, Rebecca Ruiz, rejoindre leur banc le 17 mars. Sur sa droite, elle est en concurrence avec l’UDC Pascal Dessauges et le PDC Axel Marion. Jacqueline de Quattro a certes annoncé son envie de quitter la politique cantonale pour briguer un siège au Conseil national cette année mais, pour lui succéder, la favorite pourrait alors être encore une femme, Christelle Luisier, qui attend depuis plusieurs années dans les starting-blocks.
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On ne noircit pas de pages pour parler de tous les exécutifs à majorité d’hommes et, comme le rappelle Béatrice Métraux: «On souligne la question des femmes dès qu’elles prennent la majorité, on ne commente jamais le cas inverse, on risque donc beaucoup de parler de ce déséquilibre de 5 à 2, il faut désormais que ça se normalise!» Nous n’en avons pas moins cherché à savoir ce qui change dans la manière de gouverner lorsque les voix féminines sont plus nombreuses autour de la table que celles de leurs homologues masculins. Plus rare encore, il se trouve que ces femmes sont toutes mamans.
Parcours de vie fragmentés
La socialiste Nuria Gorrite a longtemps été la seule femme à l’exécutif de la ville de Morges, qu’elle a ensuite dirigé, et la comparaison avec son environnement actuel est selon elle sans appel. «L’avantage de travailler avec des femmes, ce sont toutes ces choses évidentes que l’on n’a plus besoin d’expliquer. Entre mères, d’autant plus, on connaît ces parcours de vie fragmentés, ces différentes strates de nous-mêmes qui nous composent, toutes ces choses qui intuitivement nous lient, au-delà de nos partis politiques. C’est très agréable.» Et souvent efficace.
Toutes valident l’existence d’une sororité, d’une solidarité comme il en existe parfois entre hommes sur d’autres critères et dont elles ont longtemps été exclues. Jacqueline de Quattro témoigne notamment de messages de bienveillance qu’elle reçoit de femmes qui ne partagent pas ses idées politiques. Elle rappelle aussi l’existence du groupe de femmes PLR, qu’elle a dirigé, bien avant que le reste des libéraux et des radicaux se soient unis en un parti.
Des thématiques différentes
Certaines thématiques s’imposent lorsque des femmes sont à l’exécutif d’un canton, que des hommes n’auraient sans doute pas priorisées. La violence conjugale, l’égalité salariale, des questions qui sortent aussi des champs de positionnement doctrinal et sur lesquels femmes de droite ou de gauche peuvent se retrouver.
Le parti de la conseillère d’Etat PLR Jacqueline de Quattro appelle à élire le 17 mars prochain l’UDC Pascal Dessauges, afin de renverser la majorité de gauche au gouvernement. Elle l’assume entièrement et le répète: «Ne me demandez pas de choisir entre mon sexe et le PLR.» Elle n’hésite néanmoins pas à lister les avantages d’un collège à majorité féminine. «On aborde les séances plus sereinement entre femmes, j’observe moins de compétition. On va aussi davantage vers la recherche de solutions que vers l’assise de notre pouvoir.» Lundi, la ministre du Service de développement territorial annonçait par exemple la possibilité pour ses employés d’assumer jusqu’à 50% de leur travail à domicile. Une mesure qui vise à faciliter la conciliation de la vie professionnelle et familiale. D’ailleurs, toutes le disent et y travaillent: plus que de discours, ce sont de conditions-cadres dont ont besoin les femmes pour être pleinement représentées dans la société.
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Des choix qui s’affranchissent des genres
Les hommes se sentent-ils carrément mis sur la touche? Samedi, les délégués du Parti socialiste vaudois n’avaient d’autre choix que d’élire Rebecca Ruiz pour succéder à Pierre-Yves Maillard. Aucun homme n’aurait-il osé se présenter face à une candidate femme? Cela fait rire Nuria Gorrite. «Je n’ai senti aucune résistance de la part des hommes, je crois que l’on a atteint une certaine forme de maturité en faisant des choix qui s’affranchissent des genres. Rebecca Ruiz a été nommée parce que c’est la meilleure. Ce qui veut aussi dire qu’une femme peut être remplacée par un homme, ce qui n’aurait pas été possible dans notre parti il y a quelque temps.»
Mais alors que la situation du Conseil d’Etat vaudois crée un précédent, la simple égalité est très loin d’être ancrée dans les autres sphères politiques. L’exécutif genevois se place en seconde position en Suisse romande avec deux des cinq ministres qui sont femmes. Et seules deux femmes de droite siègent dans les exécutifs cantonaux de Suisse latine. Durant une courte période, quatre femmes ont siégé au Conseil fédéral, mais ça n’a pas duré et le cas de ministres fédérales mères reste exceptionnel.