Depuis le 18 juillet, Vevey – d’habitude paisible à souhait – s’est transformée en festival à ciel ouvert. La Fête des Vignerons est omniprésente, partout, tout le temps. Elle est aussi à mi-parcours: dix spectacles ont été joués, il en reste dix. Les festivités tiennent-elles leurs promesses? Bilan intermédiaire et futurologie veveysanne.

Un étourneau à terre

Les organisateurs ont le sourire. «Depuis l’ouverture de la billetterie, 365 000 billets ont trouvé preneur, souligne Frédéric Hohl, le directeur de l’événement. Quoi qu’il arrive, c’est donc déjà la fête la plus fréquentée de l’histoire.» Quid de sa rentabilité? «Trop tôt pour le dire», dit-il, se refusant à articuler le moindre chiffre. Si les spectacles de nuit affichent complet, «il reste encore des places la journée», concède-t-il. Les trivialités budgétaires ne semblent toutefois pas chambouler le responsable, transcendé: «Tout le monde est tellement heureux. Nous sommes tous très fiers.»

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Soumis à un rythme de représentation soutenu, les figurants tiennent également le coup. «Un étourneau s’est cassé le pied, raconte le créateur du spectacle, Daniele Finzi Pasca. Mais il continue de jouer en chaise.» Critiquée, la qualité phonique du spectacle est en constante amélioration, assure-t-il. Avec des limites toutefois: «Les gens sont habitués à écouter de la musique avec des écouteurs, à un son parfait. Mais dans une arène comme ça, avec 800 choristes et jusqu’à 290 micros branchés en même temps, l’intelligibilité devient problématique. C’est comme ça.» Le spectacle a par ailleurs été raccourci de 20 minutes (mais dure encore plus de deux heures et demie).

Presse internationale et enfants égarés

Malgré les nuisances, «les habitants jouent aussi le jeu», salue Denis Froidevaux, le chef de la sécurité. «Il y a eu très peu de plaintes», se réjouit-il. En deux semaines, la manifestation a tout de même connu 1200 interventions de police et 800 missions sanitaires. Pas de quoi affoler le brigadier: «C’est peu compte tenu de la taille de la manifestation.» Il y a bien eu quelques bagarres, mais là non plus, rien de grave. Quant à la consommation d’alcool, elle serait «modérée»: «Nous avons constaté peu de bitures express», détaille l’officier. Un bémol tout de même: «J’aimerais prier les visiteurs de s’occuper de leurs enfants. Il y a chaque jour beaucoup d’égarés.»

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La petite gare de Vevey résiste aussi à l’envahisseur. «L’objectif était que 60% des personnes viennent en transport public, dit-il. Nous sommes actuellement à plus de 70%.» Les parkings ne sont ainsi remplis qu’à un tiers de leur capacité. «Et nous avons dû rajouter des places pour vélos dès les premiers jours.» En tout, 600 000 personnes ont déjà arpenté les quais veveysans depuis le début du grand raout. Parmi eux, 954 journalistes (accrédités) issus des quatre coins du monde. La fête a déjà trouvé écho dans les plus grands médias du monde (New York Times, The Guardian, CNN, National Geographic…) – et ça continue. «Nous sommes submergés de demandes de la presse internationale», jubile Frédéric Hohl. De quoi augurer d’un avenir touristique rayonnant.

Vevey la paisible le restera-t-elle?

«En 1999, la fête tablait sur 100 millions de retombées économiques, raconte Grégoire Chappuis, vice-directeur de Montreux Riviera tourisme. Cette année rien que le budget de l’événement atteint ce chiffre. Les gains pour la région devraient donc être nettement supérieurs: on parle de 200 millions de francs.» Le rendez-vous est soigneusement préparé par l’office touristique, aidé par la modernité: «Le bond technologique effectué depuis 1999 change la donne, souligne le commercial. Sur les réseaux sociaux, c’est l’explosion. Aux plus grands journaux du monde entier s’ajoutent des influenceurs, et même M. et Mme Tout-le-Monde. Sur Instagram, les hashtags liés à l’événement comptent des dizaines de milliers d’occurrences. C’est impressionnant.»

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Réjouissant du point de vue économique, le succès photogénique des bords du Léman – déjà passablement encombrés en été – va-t-il, comme à Lucerne, transformer les quais en défilé de cars ces prochaines années? «Il y aura une augmentation du nombre de touristes, c’est clair», analyse Grégoire Chappuis. Le commerçant se veut toutefois rassurant. «Nous sommes encore loin de cette situation. On nous compare aussi aux Cinque Terre, autre site viticole protégé par l’Unesco. Là-bas les vignerons se sont mués en marchands de glaces, ils sont allés trop loin. Le but n’est certainement pas de s’approcher de ça. Nous souhaitons conserver un tourisme doux.» La longueur de la file pour se prendre en photo avec la statue de Charlie Chaplin l’été prochain dira si le promoteur avait vu juste.