L’année politique vaudoise débute sous le signe du psychodrame. Au cœur de la tourmente, le président du Grand Conseil, l’UDC Yves Ravenel, dont les partis de gauche ont demandé la démission ce mardi après-midi en introduction de la première séance. La raison d’une telle attaque, rarissime: les révélations la veille de la condamnation de l’élu il y a quelques mois pour «menace qualifiée et tentative de menace qualifiée» envers son ex-épouse.

«Sa condamnation est incompatible avec sa fonction de président du Grand Conseil et son titre de premier citoyen du canton, a ainsi plaidé Valérie Induni, la cheffe du groupe socialiste. Le nécessaire lien de confiance est rompu.» Dans son sillage, Vassilis Venizelos, chef du groupe des Verts, s’est déclaré «choqué» et a souhaité que les faits reprochés «ne soient pas minimisés». Plus tôt dans la journée, c’est par voie de communiqué de presse que le POP et Ensemble à gauche avaient appelé Yves Ravenel à prendre ses responsabilités.

«Lynchage» dénoncé

Du côté de l’UDC, au contraire, on dénonce un «lynchage». «C’est une affaire privée, elle ne devrait pas avoir d’incidence sur les affaires publiques, mais la gauche veut politiser ce cas», a ainsi vigoureusement martelé Philippe Jobin, le chef du groupe UDC. Il a assuré que son parti soutenait son élu. Le PLR n’a quant à lui pour l’heure pas souhaité prendre position, ni dans un sens ni dans l’autre, jugeant ne pas disposer encore d’assez d’informations.

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C’est peu dire que les révélations ont pris tout le monde de court lundi soir, y compris l’UDC, qui n’était pas au courant de la condamnation de son membre. La nouvelle a également surpris, tant l’agriculteur de Trélex, également syndic de son village, a toujours été décrit comme un homme réservé et retenu. Dans la confusion, ce mardi, le début de la séance du Grand Conseil a été reportée de plus d’une heure. Après avoir rencontré certains groupes politiques, Yves Ravenel a finalement renoncé à mener les débats, s’est retiré discrètement et s’est fait remplacer par la première vice-présidente, la socialiste Sonya Butera.

Condamné en août 2019

C’est le 21 août dernier qu’Yves Ravenel est condamné par ordonnance à une peine de 60 jours-amendes à 80 francs, avec sursis de 2 ans, ainsi qu’une amende de 960 francs. Soit un peu plus d’un mois après son élection, le 2 juillet, à la présidence du Grand Conseil pour la période 2019-2020. Mais l’élu fait opposition à la condamnation. Une audience va donc être agendée par le Tribunal de police de l’arrondissement de la Côte au 23 janvier 2020, une séance qui va figurer au programme des audiences envoyées lundi à la presse… ce qui va contribuer à rendre l’affaire publique, via un article du quotidien 20 minutes.

Yves Ravenel a depuis retiré son opposition et la condamnation est donc rentrée en force. Les faits remontent au début de l’année 2019 et s’inscrivent dans le contexte d’un divorce long et compliqué, avec des tensions s’exacerbant du fait que les deux protagonistes sont alors voisins. Ainsi, au mois de janvier, par exemple, l’élu a fracassé les guirlandes lumineuses et une ampoule restées allumées dans le jardin de son ex-femme, car elles le gênaient durant la nuit. Il aurait ensuite lancé un balai dans sa direction, ce qu’il conteste.

Menaces de mort

Lors d’un épisode précédent retenu par la justice, Yves Ravanel aurait proféré des menaces de mort contre son ancienne femme, ce qu’il conteste également. Mais l’ensemble des faits demeure encore incertains, l’élu UDC n’ayant à ce stade pas souhaité communiquer la décision de la justice, y compris à ses collègues du Grand Conseil, par souci, selon lui, de protéger sa famille proche et ses enfants. «Un sentiment louable», selon le président du PLR Marc-Olivier Buffat, qui invite néanmoins Yves Ravenel à jouer «la carte de la transparence» ou alors à «en tirer les conclusions».

Dans le canton de Vaud, il n’existe aucune procédure permettant de destituer un élu. C’est au principal intéressé, et à lui seul, de décider s’il démissionne de sa fonction ou non. Selon le chef du groupe UDC, Philippe Jobin, l’homme «est en cours de réflexion». Ils sont nombreux néanmoins à se demander comment Yves Ravenel pourrait assurer une telle charge honorifique avec cette condamnation et symboliquement présider une assemblée qui a toujours eu à cœur de lutter contre le fléau des violences conjugales.