Crise au Palais de Beaulieu. Un audit a débouché la semaine dernière sur le licenciement immédiat du secrétaire général, sous le coup d’une plainte pour gestion déloyale et faux dans les titres. Le site du Comptoir suisse est dans une situation financière «critique à court terme.»

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Le syndic de Lausanne, Grégoire Junod, a repris dans l’urgence la présidence de la Fondation de Beaulieu au démissionnaire Gustave Muheim. Le magistrat socialiste répond aux questions du Temps sur l’avenir de ce site à problèmes.

Le Temps: Après les annonces récentes, les contrôles communal et cantonal des finances doivent encore se pencher sur ce dossier. Que sait-on déjà, qu’ignore-t-on encore?

Grégoire Junod: Il y a encore de nombreux points à éclaircir. Nous avons une idée assez précise de l’ampleur des mandats passés sans appel d’offres à des sociétés proches du secrétaire général, mais nous ne savons pas quelles parts de ces montants ont fait ou non l’objet de surfacturations ou de prestations inutiles. Nous avons de sérieux soupçons, mais il appartiendra au Ministère public d’établir la vérité, ainsi que sur le montage financier qui a permis de ne faire apparaître qu’une partie de ces dépenses dans les comptes de la fondation. 

– On parle d’une vingtaine de millions de francs pour les contrats douteux entre 2012 et 2016, mais vous n’êtes pas en mesure de donner un ordre de grandeur du montant dont la collectivité aurait été flouée?

– C’est précisément une question que le Ministère public devra éclaircir. Il ne s’agit pas directement d’argent public. Les pouvoirs publics avaient engagé des fonds dans les années 2000 pour investir dans les halles sud, mais la fondation n’a pas été subventionnée pour ses activités ces dernières années. C’est aujourd’hui, alors que nous sommes appelés à intervenir, que nous pourrions en payer les frais… 

– En place depuis 2001, le secrétaire général, Marc Porchet, a longtemps été un homme sans histoire. Ne l’a-t-on pas simplement chargé de beaucoup trop de responsabilités?

– N’étant dans la fondation que depuis le second semestre 2016, il m’est difficile de vous répondre précisément. Mais il est sûr que le choix de recourir à des mandats extérieurs, y compris pour des fonctions de direction, n’était plus adapté au moment où la fondation s’est retrouvée à devoir investir et repenser ses activités après l’échec de la tour Taoua [refusée par les Lausannois en 2014, ndlr]. La crise actuelle aura au moins l’avantage d’accélérer la mise en place d’une direction interne.

– Le dépassement de crédits pour la rénovation du théâtre a attisé les soupçons, en 2016. Mais la période douteuse remonte à plusieurs années auparavant. Comment expliquer ce défaut de contrôle?

– Le dépassement du devis du théâtre constitue un élément, mais il y en a eu d’autres, relatifs à la comptabilisation de certaines dépenses qui ont éveillé nos soupçons. Il faut voir que la fondation s’est engagée depuis 2015 seulement, après l’échec de Taoua, dans une politique d’investissement importante. Par ailleurs, le système mis en place par le secrétaire général ne permettait pas au conseil de fondation d’avoir les informations nécessaires sur la situation financière réelle.

– Cette situation de crise remet-elle en question les travaux prévus à Beaulieu?

– Les travaux de la Haute Ecole infirmière de La Source sont bien avancés et doivent être terminés pour la rentrée d’août 2018. Quant au chantier du Tribunal arbitral du sport (TAS), qui s’installera sur place, le projet est mûr pour une demande de permis de construire. Pour le canton comme pour la Ville, il est aujourd’hui prioritaire que ces projets aboutissent vite.

– Le complexe de Beaulieu a longtemps été un symbole positif pour la Ville de Lausanne. Pensez-vous qu’il puisse le redevenir un jour, et comment?

– J’en suis convaincu, mais cela passe par une diversification des activités. Son avenir ne pourra se résumer à organiser des foires et des congrès.

– Beaulieu peut-il survivre sans une manifestation phare comme le Comptoir, qui ne l’est plus mais n’a pas été vraiment remplacé?

– Habitat-Jardin l’a en partie remplacé, mais c’est une vraie question. Le marché des foires est aujourd’hui très volatil. Même Baselworld, qui semblait inébranlable, est en proie à des difficultés. En redonnant à la Ville la jouissance des halles nord, où l’on songe à installer des start-up, et en permettant de diviser le Palais de Beaulieu en différentes entités, nous ouvrons le jeu pour l’avenir, aussi bien à court qu’à long terme.

– Avec son terrain immense en plein centre-ville, Beaulieu a un énorme potentiel. Certains ont proposé d’en faire un nouveau quartier…

– Une stratégie cohérente pour l’avenir est en train d’être posée. Ce travail devra se faire sans tabou, mais en veillant toutefois à préserver la vocation économique du site. Nous allons aussi engager avec tous les partenaires, des milieux économiques aux riverains, un dialogue sur l’avenir du site à moyen terme.