Leur but: disserter du futur du mouvement lancé par la Nordique et – surtout – trouver une réponse à cette question épineuse: comment profiter de l’attention médiatique pour obtenir des résultats concrets dans la lutte contre le changement climatique? Au premier jour de la réunion, aucune réponse n’était encore en vue.
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«Il faut agir»
«Ce que nous voulons, c’est créer quelque chose de plus grand que nous-mêmes», dit une militante bulgare. Comment? «Cela reste à définir cette semaine.» Quelles suites donner aux grandes manifestations de ce printemps? «C’est également à l’ordre du jour.» Existe-t-il une volonté de structurer le mouvement en un parti politique? «Je ne crois pas. Le but est surtout de mieux coordonner l’ensemble des actions au niveau européen.» Les interrogations demeurent nombreuses ce lundi, mais les militants le sont aussi.
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Chacun est venu en train, la moyenne d’âge semble en dessous de 20 ans et tout le monde parle anglais. «C’est super d’être tous réunis comme ça», glisse un Alémanique venu de Zurich. «Mais maintenant il faut agir.» Agir, le verbe est sur toutes les lèvres. Mais comment faire bouger les choses, ou même quelles choses faire bouger? «Nous n’avons pas toutes les réponses», concède une Ukrainienne d’Odessa. Certains participants sont à peine sortis de l’enfance, parfois accompagnés de leurs parents. «Mais nous sommes déterminés!»
Une première action concrète est présentée: lancer une initiative citoyenne européenne. Nommée «Actions pour l’urgence climatique», celle-ci demande notamment que l’UE diminue ses émissions de CO2 de 80% d’ici à 2030 (soit le double de l’objectif officiel actuel, fixé à 40%), la mise en place d’une taxe carbone et la production de matériel éducatif gratuit concernant l’urgence climatique. Un million de signatures est nécessaire. Hors de l’UE, la Suisse ne pourra toutefois pas participer à leur récolte.
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«J’ai déjà beaucoup parlé»
Vient l’heure de la conférence de presse inaugurale. Cernée par une bonne centaine de journalistes internationaux, Greta Thunberg prend le micro – frisson dans la salle. «J’aimerais remercier les organisateurs de ce sommet», dit-elle timidement. Et c’est tout. «Je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter. J’ai déjà tellement parlé ces derniers temps.» Au moindre de ses mouvements, un flash crépite. Dès qu’elle ouvre la bouche, une perche micro se tend.
La parole est donnée à Jacques Dubochet, Prix Nobel de chimie vaudois devenu figure des «anciens» préoccupés par le changement climatique. Bien plus volubile, le scientifique se lève, discourt sur l’état du monde, pointe les journalistes du doigt pour leur enjoindre de faire leur travail informatif avec rigueur, salue les premiers discours de Greta Thunberg: «Tu m’as fait pleurer.» L’intéressée hoche de la tête pour témoigner sa reconnaissance. La salle explose en applaudissements.
Autre as du micro; Ernst Ulrich von Weizsäcker, ancien président du Club de Rome, l’une des premières organisations à dénoncer la croissance ad eternam. Le vétéran digresse longuement sur les centrales à charbon en construction dans les pays en voie de développement, souligne l’urgence, gesticule. Mais personne n’écoute vraiment les deux sages. «J’ai une question pour Greta…», commence une journaliste allemande. La salle tend l’oreille.
«Je n’aime pas être le centre de l’attention»
Assise au bord de sa chaise, l’icône suédoise répond aux questions comme elle peut. «Faudrait-il emprisonner les politiciens qui ne font rien pour le climat?» suggère un journaliste. «Ce n’est pas vraiment à moi d’en décider», murmure l’adolescente, quelque peu décontenancée. «Il ne faut pas blâmer des individus, ajoute-t-elle. C’est le système qui est erroné.»
Interrogée sur ce qu’elle espère de la future réunion du Groupe d’experts intergouvernemental (GIEC) sur l’évolution du climat qui se tient ces jours à Genève, elle dit «espérer que les médias en parleront». La Suédoise laisse transparaître une certaine lassitude.
«Je ne suis pas une leader, dit-elle. On m’invite souvent pour parler au nom du mouvement climatique, mais c’est une erreur. Et ce n’est pas parce que quelqu’un dit quelque chose ici que je suis d’accord avec. Je ne représente personne.» Passée d’anonyme à superstar, elle avoue devoir parfois «se pincer» pour croire à son nouveau statut.
«Ces derniers mois ont été très bizarres, réfléchit-elle à haute voix. Je n’aime pas être le centre de l’attention. Alors parfois c’est dur.» «Nous aimerions bien retourner à l’école», raisonne-t-elle, parlant avant tout d’elle-même. Symbole d’une génération inquiète, la collégienne de 16 ans semble quelque peu dépassée.
«Mais je me rappelle que je fais ça pour une bonne cause, se ressaisit-elle. Nous savons que notre futur est en danger. Et nous ferons tout ce qu’il faut pour changer ça.» Quoi exactement? Réponse vendredi, peut-être.