L’annonce promet de créer la surprise au sein du monde médiatico-politique vaudois. Le journaliste et producteur TV Nasrat Latif a décidé ce printemps de se lancer en politique, sous les couleurs du PLR. Lors du congrès du 29 mars prochain, le journaliste briguera l’investiture pour l’élection au Conseil national. Réfugié arrivé en Suisse à l’âge de 5 ans, apatride jusqu’à ses 15 ans, avant d’étudier les sciences politiques et de devenir rédacteur en chef de la radio One FM à 24 ans, il souhaite aujourd’hui défendre ses valeurs sous la Coupole.

Le Temps: Vous êtes un homme de télévision, un chroniqueur et un journaliste. Pourquoi vous lancer aujourd’hui en politique?

Nasrat Latif: C’est le même ressort qui m’a amené au journalisme et à m’engager dorénavant en politique, l’envie de participer au débat public. Dans les faits, mon engagement en politique date de quelques années déjà. Les gens me connaissent comme journaliste, mais je suis également entrepreneur. En 2019, j’ai créé une agence de communication, Nokté. Notre particularité est d’assumer nos convictions. Nous avons mené plusieurs campagnes de votations fédérales au niveau suisse, comme en 2020, celle sur l’acquisition de nouveaux avions de combat. Après avoir remporté un concours, nous avons développé la stratégie du camp du «oui», créé les visuels en trois langues et géré l’opérationnel. C’était une fierté de voir qu’une petite entreprise romande avec quatre salariés pouvait faire la différence à Berne.

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Mais il y a une différence entre la communication politique et une candidature au Conseil national. Quel a été le déclic?

Je suis convaincu que je peux apporter quelque chose sous la Coupole: mes valeurs, mes convictions et – j’espère – mes compétences. C’est aussi une manière pour moi de rendre à la Suisse ce qu’elle m’a apporté. Je suis né à Kaboul en 1984. Nous avons fui en catastrophe la guerre civile et sommes arrivés à Peshawar au Pakistan, où nous avons vécu une année. Je suis arrivé en Suisse comme réfugié, à Lausanne, à l’âge de 5 ans. Tout mon parcours, de journaliste mais aussi d’entrepreneur, est lié aux opportunités que m’a offertes ce pays.

Pourquoi ce choix du PLR?

C’est une question de valeurs. J’appartiens profondément à ce courant de droite humaniste. Il y a aussi des personnes dans ce parti qui m’inspirent, comme Jean-Marie Surer, avec qui je discute beaucoup, ou Christelle Luisier, une véritable femme d’Etat. Le côté pragmatique du PLR me convient. Et c’est le parti où, en tant qu’entrepreneur, je me sens le mieux représenté.

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Ne craignez-vous pas, en arrivant ainsi, d’être mal accueilli dans un parti où les prétendants pour la liste au National sont nombreux?

Ce n’est pas comme cela que je vois les choses. Je ne m’engage pas pour être en concurrence avec les autres potentiels candidats, mais pour tirer à la même corde. J’aimerais dire ici que je me présente humblement, en premier lieu devant la base du parti lors du congrès, en tant que prétendant à la candidature. Mais quand on se lance en politique, c’est pour gagner. J’espère donc avoir l’opportunité de pouvoir ensuite me présenter cet automne devant les Vaudoises et les Vaudois.

Que pensez-vous pouvoir apporter sous la Coupole?

Deux axes m’intéressent particulièrement. Ils sont liés à mon parcours. Premièrement, il y a les conditions-cadres pour l’économie. Les défis à venir pour les trente prochaines années sont énormes, essentiellement dans le monde numérique, avec l’intelligence artificielle ou la robotique. L’Etat se doit d’anticiper afin de mettre en place un cadre légal clair et souple, offrant un terreau fertile au développement des entreprises, gage de notre prospérité. Deuxièmement, j’aimerais m’engager pour une immigration ferme et équilibrée. Nous devons accueillir dignement les gens et leur donner des perspectives à travers notamment le travail. Cela reste à mes yeux le meilleur facteur d’intégration, car il amène de la dignité.

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Ne risquez-vous pas d’être vu juste comme un deuxième Fathi Derder, qui a connu un parcours similaire de journaliste à parlementaire?

On me parle beaucoup de lui. Je le prends comme un compliment. J’ai suivi la carrière de Fathi Derder tant comme journaliste qu’en tant que politicien. Il a démontré qu’on pouvait relever avec brio le défi de passer de l’un à l’autre. C’est une référence. Mais, ma priorité aujourd’hui, c’est d’aller à la rencontre des délégués du PLR. Je me réjouis.

En cas d’élection, allez-vous garder vos activités de journaliste?

Notre système politique est basé sur un système de milice. Je compte poursuivre mes activités. Par souci de déontologie, j’ai évidemment mis un terme à mon émission politique sur la radio LFM. Par contre, pour les émissions économiques que je produis pour La Télé ou Canal9, ce sera aux directions des chaînes de décider s’ils les maintiennent ou non. Je vais en tout cas continuer de travailler dans mon agence de communication. C’est d’ailleurs parce qu’elle se porte bien que je peux me permettre de m’engager politiquement. J’ai aujourd’hui du temps et de l’énergie.