«Ce qui n’est pas visible ne peut pas être correctement traité», c’est ainsi que Pierre-Antoine Hildbrand, municipal chargé de la sécurité à Lausanne, présente la nouvelle application visant à lutter contre le harcèlement de rue dans la capitale vaudoise. Il propose aux victimes et témoins d’adresser leur signalement de manière facilitée aux autorités.

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Un problème multiforme

«Le harcèlement de rue est un problème multiforme, commis de manière furtive par des inconnus et n’est que très marginalement rapporté, commente-t-il. Face à l’absence de documentation, nous avons besoin de mieux connaître le phénomène avant de pouvoir agir concrètement.» L’application, disponible également sur le site internet de la ville, permet un «signalement facilité de cas aux autorités et une amélioration de la connaissance de lieux problématiques». «Nous pourrons ainsi prévenir des situations concrètes et mieux orienter les victimes sur les démarches à entreprendre.» Le municipal PLR souligne bien qu’en aucun cas l’application ne répondra aux situations d’urgence, nécessitant l’utilisation du numéro 117.

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Un questionnaire rapide, comportant sept questions, a été conçu par l’Observatoire de la sécurité pour un coût total de 78 000 francs. Il ressemble à cela: «Vous êtes témoin/victime? Type d’actes: regard insistant/sifflements/remarque ou insulte à caractère sexuel? Lieu de l’événement: parc/rue/transports publics, etc.»

Un poste de deux ans

Un poste de «chargée de mission harcèlement de rue et incivilités» a été créé, pour une durée test de deux ans, afin de traiter les signalements. La responsable pourra répondre aux questions des personnes victimes et témoins désireuses d’entrer en contact avec elle, le signalement peut également se faire de façon anonyme. Elle bénéficiera d’un contact privilégié avec le corps de police.

«Grâce à ces dénonciations, nous recueillerons des informations précieuses», continue Pierre-Antoine Hildbrand. Une rue apparaît souvent comme un lieu de harcèlement? Il sera possible d’y améliorer l’éclairage. Des cas surviennent à une heure précise près d’un club? Les agents de sécurité pourront aider. «Grâce à ces signalements, nous pourrons adapter les présences policières. Selon les cas, l’Observatoire de la sécurité collaborera étroitement avec une équipe interne ad hoc composée de la police judiciaire, de police secours, de la police de proximité et de correspondants de nuit. Ce réseau permettra de traiter des cas relevant du Code pénal.»

En parallèle, la sensibilisation des agents de police et des correspondants de nuit continue: elle vise à favoriser une appréhension commune du harcèlement de rue et s’étendra dès l’automne prochain aux discriminations visant spécifiquement les personnes LGBTQI.

La possibilité d’être écouté

«Aujourd’hui, ce qui manque aux cibles de harcèlement, c’est la possibilité d’être écoutées. L’application de la ville de Lausanne y remédie et c’est très positif», commente la nouvelle conseillère nationale verte Léonore Porchet. C’est elle qui se trouve à l’origine de la lutte lausannoise contre le harcèlement de rue. «Je me pose seulement la question de savoir si la police est le bon intermédiaire, ou si des personnes spécialisées en violences sexistes ne seraient pas plus adéquates.»

En 2016, alors conseillère communale, Léonore Porchet déposait son interpellation sous le regard sceptique de ses collègues, qui, pour certains, taxaient son intervention de «misérabilisme féministe». Les chiffres ressortis de l’enquête urbaine qui suivit la confortèrent dans son action: 72% des jeunes Lausannoises se disaient harcelées dans la rue.

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La jeune femme lançait alors de son côté une application contre le harcèlement sexuel, EyesUp, qui, selon elle, ne fait pas doublon avec la nouvelle présentée ce jour. «C’est une offre complémentaire à celle que propose dès aujourd’hui la ville de Lausanne. Notre objectif n’est pas de rapporter les dénonciations de harcèlement à la police, mais de donner aux cibles et aux témoins un outil pour réagir et pouvoir faire pression sur les institutions publiques, qui doivent proposer des réponses concrètes et solides à ce fléau.»