A Lausanne, un restaurant sur deux ne rouvrira pas lundi
Crise sanitaire
Trop de contraintes, trop d’incertitudes poussent de nombreux lieux de restauration à différer leur déconfinement. Pour les soutenir, Lausanne permet l’extension et la création de terrasses

Le sondage est informel mais ses résultats sont éloquents. Sur le groupe WhatsApp de GastroLausanne regroupant les restaurateurs de la capitale vaudoise, un sur deux annonce qu’il ne rouvrira pas au début de la semaine prochaine. «J’ai fait le bureau des pleurs ces dernières semaines, confie Antoine Piguet, vice-président de GastroLausanne et propriétaire du XIIIe siècle, dans la Cité lausannoise. Je recevais 50 téléphones par jour de confrères paniqués pour leur santé économique. Ils avaient reçu des prêts mais n’osaient pas les dépenser. Je leur enjoignais de payer leurs fournisseurs pour faire repartir l’économie, de donner leur salaire à leurs employés mais d’attendre pour leur loyer.» Celui d’Antoine Piguet se monte à 4000 francs par mois, mais certains sont quatre à cinq fois plus chers.
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Le sentiment partagé des restaurateurs à Lausanne est qu’on les fait rouvrir le 11 mai dans des conditions qui ne sont ni claires ni satisfaisantes. Avec le but non avoué de mettre fin à leurs demandes d’aides ou de subsides. «Nous n’avons pas la garantie que les RHT [réductions d’horaire de travail] seront toujours à disposition une fois les restaurants ouverts. Sans cela, avec une capacité de 25 à 50% seulement et presque toutes les charges dues, ce sera difficile», expliquait il y a peu Gilles Meystre, le président de GastroVaud, dans nos pages.
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Beaucoup, comme Antoine Piguet, pensaient que le déconfinement n’arriverait que fin juin, début juillet. Lui n’ouvrira pas son établissement tout de suite. Il attend de voir. Les clients seront-ils pressés de revenir ou est-ce que l’effet dissuasif des mesures sanitaires prendra le dessus?
Dix règles à suivre
Mardi, GastroSuisse édictait une série de règles impératives pour les cafés, bars et restaurants. La plus exigeante est sûrement celle qui ordonne aux établissements de pouvoir tracer une propagation du virus en consignant prénom, nom et numéro de téléphone de chaque client, ainsi que le nom de leur serveur attitré, pour une durée de quatorze jours. Mais le préposé fédéral à la protection des données déclare que «comme il n'est pas du ressort des restaurants privés d'assurer le suivi de personnes potentiellement infectées, l'enregistrement du nom et du numéro de téléphone d'un client comme moyen de lutte contre des infections ne peut se faire que sur une base volontaire». Aucun client ne peut consommer debout, une table ne pourra pas accueillir plus de quatre personnes (à l’exception des familles avec enfants) et une distance de 2 mètres ou une cloison doit séparer les différentes tablées. Les journaux ou tout autre objet transmissible entre clients doivent être retirés de l’établissement. Les buffets sont interdits. Le port du masque n’est par contre pas obligatoire pour les serveurs.
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«La raison d’être de mon établissement, ce sont les relations sociales, reprend Antoine Piguet. Je ne vois pas l’utilité de se rendre dans un bistrot pour être enfermé dans du plexiglas.» Au XIIIe siècle, on ne rouvrira pas les salles intérieures. Ce serait contraire à l’esprit du lieu que d’être dispersés dans ces caves voûtées où l’obscurité est sœur de promiscuité. Dehors, on espère pouvoir doubler la superficie de la terrasse et disposer les tables de façon à donner l’impression que «rien n’a changé».
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Lausanne se «méditerranéise»
Depuis le début de la semaine, la municipalité lausannoise promeut et facilite tant l’extension que la création de terrasses pour ses bars et restaurants. Les établissements ont jusqu’à fin mai pour faire parvenir leur demande. Pour faciliter la mise en œuvre, la ville pourra requalifier l’espace public si nécessaire. «La «méditerranéisation» de la ville de Lausanne est en marche, plaisante Pierre-Antoine Hildbrand, municipal lausannois chargé de l’Economie et de la Sécurité. Les festivals estivaux de la ville sont annulés. Pour garder Lausanne en vie en respectant les distances sanitaires, nous avons donc imaginé cette solution.» Cette mesure doit contribuer à maintenir autant que possible la capacité d’accueil des bars et restaurants lausannois. La municipalité s’engage à explorer toutes les pistes de solutions, par exemple l’utilisation de places de stationnement, et si besoin le financement d’aménagements spécifiques.
Antoine Piguet espère ainsi pouvoir rendre piéton le bout de route devant chez lui et dynamiser le quartier par la même occasion. Il reste positif. «Ce qui est perdu est perdu, mais j’ai l’espoir de récupérer 100% de mon chiffre d’affaires une fois rouvert. Je travaillerai sans doute avec réservation, ce qui peut être intéressant pour mieux gérer l’imprévu et rationaliser le personnel. Ce sera un peu moins festif et débridé qu’organisé, plus berlinois que méditerranéen.» Tant que cela fait voyager les clients restés au pays…