L’échec d’Isabelle Moret fait mal à la représentation féminine
Conseil fédéral
Le sort de la conseillère nationale vaudoise a vite été réglé. De quoi s’interroger sur la capacité de la droite à faire de la place pour les femmes

Il avait un goût amer, le taillé de Goumoëns servi lors de l’apéritif qui a suivi l’élection au Conseil fédéral. La spécialité vaudoise a même été quelque peu délaissée par les convives. Un peu à l’image d’Isabelle Moret. La candidate a fait un score honorable au premier tour, soit 55 voix, sept de moins que Pierre Maudet. Mais le second tour lui aura été fatal: 28 voix seulement. C’est-à-dire moins que le nombre d’élues de gauche, qui ne manquent pourtant jamais de plaider en faveur de l’égalité et d’une représentation équilibrée des genres dans les organes dirigeants. De quoi laisser songeur.
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Malmenée pendant toute la campagne
Isabelle Moret ne faisait pas figure de favorite. Même si son parcours politique justifiait sa place sur le ticket final, elle a été malmenée pendant toute la campagne. Insuffisamment préparée, peu entourée, attaquée sur sa vie privée, elle a souvent été sur la défensive. Et elle n’a pas été aidée par la présidente des Femmes radicales. A l’annonce de la démission de Didier Burkhalter, en juin dernier, Doris Fiala a en effet déclaré que c’était l’heure du Tessin et que sa section ne revendiquait pas ce siège.
Reste une question: au second tour de l’élection, pourquoi Isabelle Moret termine-t-elle troisième, loin derrière Pierre Maudet? Pourquoi le critère féminin a-t-il si peu compté?
Au-delà des personnes, il s’agit également d’entamer un travail de fond, afin de remettre en question la représentation du pouvoir
«Il faut tirer les leçons de cette élection. La campagne négative dont Isabelle Moret a fait l’objet est inacceptable», lance la conseillère nationale Adèle Thorens (Verts/VD), qui se dit inquiète du peu de cas qui est fait de la place des femmes dans la politique. Pour preuve: un sondage publié par la presse dominicale plaçait également Isabelle Moret sur la dernière marche du podium, avec 13% d’opinions favorables.
«Au-delà des personnes, il s’agit également d’entamer un travail de fond, afin de remettre en question la représentation du pouvoir, poursuit Adèle Thorens. Car que constate-t-on? C’est encore l’image masculine qui incarne le pouvoir, soit le mâle alpha, avec sa voix forte et dominante. Il s’agit donc de commencer par accepter qu’une femme puisse incarner le pouvoir différemment. Et l’expérience de ce mercredi nous montre qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir.»
Ce n’est pas aux femmes de gauche de corriger ensuite les choix du PLR
La gauche ne se sent pas responsable de la déconfiture féminine. Le Parti socialiste aurait souhaité que l’ancienne conseillère d’Etat tessinoise Laura Sadis figure sur le ticket. Elle réunissait tous les critères. La section cantonale du PLR en a décidé autrement, privilégiant la candidature unique d’Ignazio Cassis. «Ce n’est pas aux femmes de gauche de corriger ensuite les choix du PLR», rétorque la conseillère nationale Ada Marra (PS/VD), estimant que c’est au PLR de se remettre en question. «Imaginez que pour toute la Suisse romande, seules deux femmes peuvent prétendre au Conseil fédéral: Isabelle Moret et la conseillère d’Etat Jacqueline de Quattro», note-t-elle.
«Ce résultat m’interpelle pour la suite. Doris Leuthard va bientôt partir. Y aura-t-il toujours d’autres critères plus importants pour placer un homme au Conseil fédéral?» s’interroge la conseillère nationale Valérie Piller Carrard (PS/FR). Constat: «Si on veut qu’une femme accède au Conseil fédéral, il faut présenter un ticket uniquement féminin», estime-t-elle.
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Futur double ticket féminin évoqué
Elle ne croit pas si bien dire. La Suisse a connu une courte période où les femmes étaient majoritaires au Conseil fédéral. Elles ne sont aujourd’hui plus que deux. Et peut-être bientôt plus qu’une, si les partis bourgeois ne préparent pas le terrain pour la succession de Doris Leuthard (PDC) et de Johann Schneider-Ammann (PLR). La pression va augmenter sur eux. Président du PDC, Gerhard Pfister a déjà évoqué, devant le groupe parlementaire, l’opportunité d’un double ticket féminin pour la succession de Doris Leuthard. Une proposition qui aurait soulevé les cœurs. Car il y a également au sein du parti des ambitions masculines. Et une élue PDC avoue déjà ne pas vouloir militer pour cette option.
Le taillé de Goumoëns n’avait pas encore séché, mercredi après-midi, que les Femmes radicales annonçaient qu’elles revendiqueraient un double ticket féminin pour la succession de Johann Schneider-Ammann. On en reparlera.
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