Elle fut longtemps la chouchou des médias, une «superstar» de la politique vaudoise, comme l’avait décrite Le Temps en 2007, l’égérie de cette génération dorée du Parti socialiste lausannois emmenée par Pierre-Yves Maillard. Aujourd’hui, Géraldine Savary semble éteinte, empêtrée dans les polémiques. En cause, sa proximité avec le multimilliardaire Frederik Paulsen, également consul général honoraire de la Fédération de Russie.

Mercredi, la conseillère aux Etats a ainsi été sérieusement ébranlée. Le matin, le quotidien 24 heures confirmait que le riche Suédois avait offert à la socialiste un voyage (avion, hôtel et billet) au Festival international de musique et de danse de Grenade en juillet 2015. Le soir, c’était au tour de l’émission Forum de révéler que ce même Frederik Paulsen avait participé au financement des campagnes de Géraldine Savary aux dernières élections fédérales. Une information qui a fait l’effet d’une bombe au sein du parti.

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«Cette nouvelle m’a tué, c’est pire que tout», lâche un de ses élus, sous couvert d’anonymat. «Comment peut-on accepter de l’argent d’un milliardaire au bénéfice d’un forfait fiscal et proche du régime de Poutine? Je me suis engagé au Parti socialiste parce que je croyais à la notion d’éthique. Et ça fait mal de voir qu’à gauche cela puisse fonctionner comme cela.»

Des versements en 2011 et 2015

A la direction du Parti socialiste vaudois, on défend son élue. «Le Parti socialiste a été exemplaire, assure Jessica Jaccoud, sa présidente. Le Parti et le comité de campagne ont respecté les règles extrêmement strictes que nous avions nous-même fixées, dans un pays où il n’y a pas de réglementation sur le financement des partis.» Parmi les conditions: pas de don d’entreprise et aucun versement dépassant 5000 francs par candidat. Dans le cas précis, Frederik Paulsen a contribué au budget du comité de campagne de Géraldine Savary et du Vert Luc Recordon à hauteur de 8000 francs en 2011 (4000 francs pour chacun) et 10 000 francs en 2015 (5000 francs pour chacun).

Contactée ce jeudi, Géraldine Savary a fait savoir qu’elle n’était pas disponible pour répondre à nos questions en raison d'une opération chirurgicale. La veille au soir, sur les ondes de la RTS, elle avait expliqué que Frederik Paulsen avait offert «de manière totalement amicale» une contribution à sa campagne électorale, car il estimait son courage politique et qu’il n’y avait jamais eu de contrepartie.

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Reste que cette salve de révélations continue de ternir l’image de Géraldine Savary, déjà entachée. Ces dernières années, la russophile socialiste vaudoise a effectué, avec d’autres personnalités politiques telles que Pascal Broulis, plusieurs expéditions en Sibérie, en compagnie de Frederik Paulsen. Des voyages qui ont suscité des questions au Grand Conseil et qui ont provoqué l’ouverture d’une investigation préliminaire par le Ministère public vaudois. Une enquête classée sans suite vendredi dernier.

Vol en jet

Mais le malaise persiste. Car, en juin dernier, la vice-présidente du Parti socialiste suisse était déjà égratignée par la presse alémanique. Accompagnée de sa collègue de parti Rebecca Ruiz et du PLR Christian Lüscher, Géraldine Savary avait embarqué à bord du jet du Conseil fédéral pour se rendre à Kaliningrad applaudir les exploits de l’équipe de Suisse de football à la Coupe du monde, profitant ainsi du déplacement officiel du conseiller fédéral UDC Guy Parmelin.

Ces épisodes passent de plus en plus mal dans un Parti socialiste vaudois particulièrement ancré à gauche, avec un fort entrisme syndical. Par ailleurs, Géraldine Savary elle-même a régulièrement mis en avant ses origines modestes, fille de typographe ayant grandi dans un quartier ouvrier de Bulle.

Maillard en plan B

L’affaiblissement de l’une de ses locomotives électorales tombe particulièrement mal pour le PS vaudois. La formation va au-devant d’une année charnière, avec les élections fédérales de l’automne prochain, mais aussi une élection complémentaire au Conseil d’Etat pour remplacer la figure tutélaire du parti Pierre-Yves Maillard, qui devrait être élu à la présidence de l’Union syndicale suisse (USS) le 1er décembre prochain.

«Nous avons d’autres choses à faire que de nous justifier sur les relations de madame Savary», fulmine un socialiste. A tel point que certains n’hésitent plus à se demander si la conseillère aux Etats reste toujours la meilleure carte à jouer pour défendre le siège. Car se profile un plan B plutôt séduisant, celui d’une candidature à la Chambre haute d’un certain Pierre-Yves Maillard, auréolé de sa nouvelle présidence de l’Union syndicale suisse.