Les démarcheurs de paraphes pour le référendum contre la «Lex Netflix» ont-ils utilisé des arguments mensongers pour arriver à leurs fins? Plusieurs témoignages semblent aller dans ce sens sur les réseaux sociaux, dont celui d’un journaliste du Blick, qui raconte sa mésaventure à Lausanne mardi après-midi 18 janvier devant l’église Saint-Laurent: «Monsieur, vous voulez signer pour faire baisser le prix de Netflix?»

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Demain, jeudi 20 janvier, les Jeunes PLR, UDC et Vert’libéraux déposeront à Berne les plus de 50 000 signatures nécessaires à l’organisation d’un référendum contre la «Lex Netflix» décidée par le parlement en septembre dernier. Face à l’explosion des plateformes en ligne et pour protéger la création cinématographique suisse, les conseillers nationaux avaient décidé une taxe de 4% sur les recettes brutes des grandes plateformes de streaming et les diffuseurs étrangers comme TF1 ou M6, qui seront également obligés de programmer 30% de films européens. Rien à voir donc avec le prix de l’abonnement Netflix.

Estimant que l’investissement demandé équivalait à un impôt extraordinaire, les Jeunes PLR, UDC et Vert’libéraux avaient lancé un référendum, qui sera au programme des votations le dimanche 15 mai prochain. Il y a dix jours, le président des Jeunes PLR Matthias Müller avait annoncé avoir déjà récolté les 50 000 signatures nécessaires mais vouloir intensifier la campagne et viser 10 000 signatures de plus. «Une marge de sécurité» pour éviter que le référendum n’échoue à cause d’un trop gros nombre de signatures invalides.

Mardi matin, sur Twitter, l’ancien conseiller national socialiste Jean Christophe Schwaab a aussi fait part de son étonnement face aux arguments fallacieux d’une personne lui demandant son paraphe, toujours à Lausanne. Il dit avoir précisé ne pas vouloir signer pour que «Netflix, Disney+, les TV commerciales étrangères etc. financent la production audiovisuelle suisse». «Le référendum ne s’y oppose pas», lui aurait-on répondu pour le convaincre. Il ajoute enfin que cette personne lui aurait confié être payée pour cette récolte de signatures.

Un précédent récent

La rémunération des démarcheurs de signatures est légale dans la majorité des cantons et sur le plan fédéral mais a déjà été pointée du doigt et a fait polémique dans certaines campagnes. En mars 2019, le conseiller d’Etat valaisan (alors conseiller national) Mathias Reynard avait filmé et posté sur Twitter des démarcheurs de signatures en train de mentir pour convaincre les passant de signer pour l’organisation d’un référendum contre la norme pénale anti-homophobie.

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Le problème se serait ensuite répété pour l’obtention de signatures contre le congé paternité. Dans ces deux cas, les démarcheurs, qui touchent 1 franc par signature, avaient été employés par INCOP, la plus grosse agence de récolte en Suisse romande dont les méthodes tendancieuses ont été révélées dans une enquête de l’émission de la RTS Mise au point en février 2020.

Les Jeunes PLR enquêtent

Pour cette campagne de signatures, les Jeunes PLR, qui coordonnent la récolte, assurent ne pas avoir fait appel à INCOP. «C’était exclu, notamment à cause des problèmes lors des précédentes récoltes faites par INCOP, explique Alec von Barnekow au Temps, vice-président des Jeunes PLR suisses. Nous faisons appel à une société tierce et formons nous-mêmes les démarcheurs pour éviter ce genre de problèmes.» Le parti explique également avoir enquêté «directement» après les premières révélations sur les réseaux sociaux. «Cela ne concernait qu’un seul des démarcheurs à Lausanne, c’était un cas isolé, il n’y a rien de généralisé. La preuve, pendant plusieurs semaines tout a fonctionné sans aucun problème.»

A Genève et Neuchâtel, les dispositions interdisent la rémunération du démarchage de signatures. Sur un plan fédéral, en septembre dernier, les élus ont rejeté la motion du député neuchâtelois Baptiste Hurni qui en demandait l’interdiction et souhaitait s’inspirer du modèle genevois. Dans une seconde motion, également enterrée par le Conseil national et fédéral en septembre, le député socialiste demandait que les personnes qui récoltent des signatures en avançant de faux arguments soient poursuivies et que les signatures obtenues de cette manière soient invalidées.

«Il serait impossible de respecter les délais légaux applicables à la collecte des signatures et au traitement d’une initiative ou d’un référendum s’il fallait d’abord attendre l’issue d’une procédure pénale, avait répondu le Conseil fédéral. Du reste, si un électeur, par négligence ou par crédulité, a signé une demande de référendum ou d’initiative qui va à l’encontre de ses opinions politiques, la votation lui donnera toujours la possibilité de revenir sur son erreur et d’exprimer ce qu’il pense réellement.»

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