L’association intercantonale Cara, qui réunit les cantons de Fribourg, de Genève, du Jura, du Valais et de Vaud, s’est lancé l’objectif ambitieux que, d’ici à 2030, 50% de la population puisse créer son propre dossier électronique du patient (DEP). Dans le canton de Vaud, les autorités assurent qu’il est désormais possible de l’obtenir en une demi-heure grâce à la nouvelle plateforme en ligne ainsi qu’à l’ouverture de nouveaux bureaux régionaux.

Mais actuellement, les prévisions de Cara sont loin d’être atteintes. Sur le canton de Vaud, seuls 2900 citoyens ont ouvert leur dossier. «Le projet avance à son rythme mais il y a des raisons à cela, se défend Rebecca Ruiz. Nous avons instauré récemment un système d’identification faciale nommé VaudID qui permet à n’importe qui d’ouvrir son DEP en ligne. Grâce à ça, nous pouvons garantir un très haut niveau de sécurité pour les données médicales, ainsi que l’assurance de respecter la sphère privée, puisque ni l’administration ni les assureurs n’ont accès à ces informations. Ce gage de confiance est à la fois un avantage pour le DEP mais aussi une contrainte dans son développement.»

Lire aussi: Vers l’obligation du dossier électronique du patient

Suivre sa santé de près

Ces obligations en termes de protection des données font référence à la loi fédérale sur le dossier électronique du patient qui fixe «des exigences très élevées». Patient partenaire, Eric Pilet souffre de plusieurs pathologies depuis 2008 et a ouvert un DEP en 2021. «A l’époque, je m’étais rendu aux guichets de Santé Région Lausanne et nous avions mis toute la matinée pour réussir à le mettre en route, se souvient-il. Après quelques difficultés de compréhension du système, j’ai pu alimenter mon dossier avec divers documents: certificats covid, directives anticipées, rapports de consultations, etc. Aujourd’hui, c’est une réelle plus-value car je peux suivre de près l’évolution de ma santé. Parfois, ça m’arrive même de retrouver une erreur et de la faire corriger.»

Notre vidéo sur le sujet: A quoi servira le dossier électronique du patient?

L’objectif de ce dispositif est surtout de limiter certaines procédures et de faciliter l’échange d’informations entre les différents professionnels de la santé. Directrice du Centre médical Terre-Bonne à Eysins, Sanae Mazouri-Karker estime que la Suisse doit rattraper son retard en termes de médecine numérique. «Beaucoup de nos patients viennent encore à leurs rendez-vous avec des dossiers en format papier. Nous perdons beaucoup de temps à devoir scanner ou trier les documents inutilement.»

Le Danemark à la pointe

Cité comme modèle de comparaison, le Danemark fait figure d’exemple avec 85% de sa population qui détient un dossier électronique du patient. «Ce qui en ressort là-bas, c’est que beaucoup d’examens médicaux inutiles peuvent être évités. Parfois les médecins ne sont juste pas au courant que des analyses ont déjà été réalisées et nous les faisons à double. C’est un coût pour le patient et pour la société», déplore Sanae Mazouri-Karker.

Comme relevé par Mathilde Chinet, membre de la direction du Réseau Santé Région Lausanne, le défi sera avant tout de motiver le troisième âge à ouvrir son dossier électronique. «Le paradoxe, c’est que ceux qui en ont le plus besoin sont ceux qui sont le plus réticents à en créer un.» L’âge moyen des 2900 usagers actuels est de 52 ans.

Une opinion: Dossier électronique du patient: un potentiel à enfin confirmer