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Secondo recalé: la volte-face de Nyon

La commune vaudoise change d’avis et accorde ce qu’elle avait d’abord refusé à la famille Scanio. Les enfants et le père seront bientôt Suisses. Mais pas la mère

Salvatore Scanio et sa femme, Antonia, lors de leur rencontre avec le syndic Rossellat. — © Olivier Vogelsang
Salvatore Scanio et sa femme, Antonia, lors de leur rencontre avec le syndic Rossellat. — © Olivier Vogelsang

Nyon plie à demi, dans le bras de fer qui l’oppose au secondo recalé à la naturalisation suisse, Salvatore Scanio, ainsi qu’à son épouse. Sommée de rendre une décision formelle sur leur candidature, la Municipalité a décidé lundi d’accorder la bourgeoisie à Salvatore et aux trois enfants, mais la refuse à Antonia. Un jugement de Salomon qui laisse passablement d’amertume à cet Italien de 46 ans né en Suisse: «Je suis soulagé pour les enfants, car ce n’est que justice, réagit-il. Mais je constate que même sous la pression, les autorités n’ont fait que la moitié du chemin. En effet, la municipalité ne reconnaît pas l’intégration de mon épouse comme primordiale en lui refusant la bourgeoisie, au prétexte de connaissances insuffisantes».

La commune fait savoir qu’elle n’a refusé que deux personnes sur 700 dossiers en quatre ans. Un chiffre très bas, puisque les personnes recalées, une sur cinq, repassent en général l’examen. C’était sans compter les Scanio, se révélant le grain de sable dans une machine huilée.

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Un examen scolaire sur la base d’une brochure

L’affaire, révélée en décembre par Le Temps, avait agité toute la presse nationale, au grand dam du syndic de Nyon, Daniel Rossellat, peu porté au débat critique. Estimant avoir été malmenés et humiliés par une commission «de petits seigneurs locaux», les époux avaient préféré recourir aux voies de droit pour contester le préavis de la commission plutôt que de repasser devant celle-ci. D’autant plus que les notes d’audition révélaient des mentions d’excellence sur les critères cruciaux pour obtenir le passeport, à savoir l’intégration et la langue. Pas un instant les conseillers communaux ne s’étaient intéressés à leur parcours et à leur intégration, préférant un examen scolaire sur la base d’une brochure dont ils n’ont eu de cesse de vanter les mérites devant la presse.

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«Le candidat répond aux exigences fédérales»

A Salvatore Scanio, il était reproché des lacunes en civisme, alors qu’il n’avait échoué qu’à une question. En dépit de la jurisprudence, Nyon avait en effet décidé de joindre les deux dossiers – la suspension de l’un entraînant celle de l’autre. La commune doit aujourd’hui revenir sur cette pratique en statuant de manière disjointe. Elle admet, dans un communiqué, que «le niveau de connaissances de M. Scanio répond aux exigences des lois cantonales et fédérales».

C’est un cinglant désaveu pour la commission des naturalisations. Et pour le municipal Vert’libéral Vincent Hacker en particulier, qui présidait l’audition du couple, le 24 octobre dernier. Celui-ci avait prétendu que Salvatore n’aurait pas passé l’examen, même si les dossiers avaient été disjoints. Au vu des notes d’audition, ce jugement s’est révélé indéfendable. Dans une interview au Matin Dimanche, il persistait en déclarant que «la Municipalité avait décidé de suivre la commission». Désavoué depuis, il n’a pas répondu à nos appels.

Malaise au sein de la commune vaudoise

Cette affaire révèle un gros malaise dans la commune vaudoise, où l’unité de façade affichée laisse entrevoir des rapports de force qui ne sont pas à l’avantage du syndic. Interrogé sur la manière dont la Municipalité a changé d’avis lundi, Daniel Rossellat a préféré nous renvoyer à la socialiste Stéphanie Schmutz, présidente de la commission, qui n’est pas plus diserte: «Nous avons repris les procès-verbaux, chacun a exprimé son avis, mais je ne vais pas vous dire à combien de voix la décision a été prise. Disons que nous avons trouvé un compromis». Elle admet que pour Salvatore, «la décision positive était une réelle évidence». Pas suffisant, pour leur avocat, Nicolas Mattenberger: «Je soutiens que l’intégration est un élément prépondérant du dossier, qui, dans le cas d’espèce, aurait dû permettre d’octroyer à ma cliente aussi le droit de cité. Mais à Nyon, on préfère manifestement faire de la politique, au détriment du droit».

Reste désormais le recours au Tribunal cantonal, une option que les Scanio envisagent. «Si Antonia Scanio devait gagner, je n’en serais pas heurtée, dit Stéphanie Schmutz. Un tel jugement pourrait remettre en question certaines choses».