Exit les bricolages coupe-vent pour protéger les Lausannois du froid en terrasse, Pierre-Antoine Hildbrand ne veut pas que sa ville «se transforme de novembre à mars en un village de tentes en plastique», ni en pseudo-fête de la bière permanente. Le municipal PLR place haut ses aspirations pour l’esthétisme de la capitale vaudoise. Après avoir interdit le mobilier en plastique et les parasols publicitaires en 2019, il confirme sa volonté d’améliorer la convivialité de la ville, afin de «renforcer son attractivité touristique».

Une augmentation du nombre de terrasses

Seuls deux types de structures sont autorisés: les chalets en bois et les télécabines. «La ville de Lausanne a eu une tendance à rater ses places, ceci est partiellement corrigé avec sa méditerranéisation qui a été offerte au moment du Covid-19, entame Pierre-Antoine Hildbrand. Ce qui est plaisant dans la terrasse, c’est que c’est une sphère modulable qui joue entre l’espace privé et l’espace public, un lieu démocratique, ouvert, qui facilite le contact.»

Lausanne a été la seconde ville d’Europe après Vilnius, selon son municipal, à dédoubler ses terrasses. 205 établissements en ont fait la demande, ce qui a provoqué la suppression de places de parc devant une quarantaine d’entre eux. La ville propose aujourd’hui de pérenniser gratuitement ces extensions moyennant une mise à l’enquête. «Je pense qu’il faut séparer d’un côté les manifestations limitées dans le temps pour lesquelles les tentes sont autorisées, et de l’autre les cafés-restaurants. Ceux-ci doivent contribuer au charme de la ville en n’obstruant pas la rue avec des vérandas souples ou rigides.»

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Est-ce bien la marque d’une politique de droite de se mêler en détail de l’esthétisme d’une ville? «Je ne dirais pas qu’il existe un goût PLR, mais soigner davantage les espaces publics me semble être un désir répandu dans notre municipalité actuelle.» Les marchés de Noël devant être revus – si ce n’est complètement annulés – des dizaines de petits chalets en bois sont disponibles pour habiller les terrasses, signale encore Pierre-Antoine Hildbrand.

Marre d’être des boucs émissaires

Du côté des cafetiers-restaurateurs, c’est l’étonnement. Muriel Testuz, propriétaire du P’tit Bar à Lausanne, a dû réduire le nombre de places assises intérieures de 18 à 7. Elle compte sur sa tente en plastique extérieure pour maximiser son espace et accueillir trois tables supplémentaires. «Je ne l’enlèverai pas, nous sommes dans une période d’urgence, où nous sommes très affaiblis financièrement. Ce n’est absolument pas l’année pour venir nous parler d’esthétisme. Tout le monde adore ma terrasse, pourquoi devrais-je me plier au goût du municipal? Sa fonction n’est pas d’imposer son style, mais de nous aider à nous adapter au mieux aux spécificités de la situation, chacun avec nos différences. A Yverdon, à Neuchâtel, on met des toiles de tente, et c’est très bien ainsi.» La méditerranéisation de Lausanne prend plutôt des airs de soviétisation, selon elle. «Nous ne sommes pas au service de la ville, s’exclame-t-elle, qu’elle propose des endroits qu’elle finance elle-même selon ses critères esthétiques et qu’elle nous laisse travailler!»

La nouvelle politique de la ville agace aussi d’autres patrons d’établissement, qui ne souhaitent pas s’afficher publiquement. «Les contraintes écologiques nous obligent à passer à des chaufferettes à pellets, le covid nous force à réduire le nombre de tables en espace clos, voilà qu’on nous rajoute des exigences esthétiques… quand va-t-on arrêter de prendre les restaurateurs comme boucs émissaires?» Ce tenancier de restaurant nous montre qu’une chaufferette sans tente a un impact très limité: «Si j’enlève la bâche, je dois mettre un chauffage toutes les deux tables. Une pièce coûte entre 2000 et 3000 francs, et elle prend la place que devrait occuper une table. C’est irréalisable. Je veux bien discuter de la couleur ou de la matière de la tente, mais mes clients comptent dessus, je ne peux pas l’enlever.» Un chalet de deux mètres sur deux lui reviendrait à 2500 francs par mois nous dit-il, avec la possibilité de n’y installer que quatre personnes maximum.

Parmi ces adresses, le café du Grütli sur les hauteurs de Lausanne a opté depuis l’année passée pour la solution télécabine. «Elles piquent la curiosité des passants, et depuis plus d’un mois j’ai des intéressés qui appellent pour effectuer des pré-réservations», s’enthousiasme la patronne. «Elles ne sont pas chauffées, mais nous conseillons à nos clients de s’habiller chaudement et nous leur fournissons des bouillottes. Nous connaissons un franc succès!»

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Du côté de la faîtière GastroLausanne, on comprend la stratégie de la municipalité. «Je suis pour que la ville soit belle, déclare son vice-président Christophe Roduit. L’installation de chalets et de télécabines permet de stimuler la créativité de notre profession.»