Publicité

Un nouveau toit pour les pèlerins de la Via Francigena

Des randonneurs du monde entier traversent chaque année la Suisse pour relier Canterbury à Rome. Dans le Chablais vaudois, des architectes leur proposent un toit d’un nouveau genre, en pleine nature. Le concept pourrait se déployer en Europe

Elena Chiavi et Thibault Smith, architectes diplômés de l'EPFL et tuteurs du projet «Peregrinus» qui a pour but de conceptualiser des abris pour pèlerins en Europe. Photo d'un abri sur le pèlerinage de la Via Francigena, Ollon, Suisse, le 29 août 2019. — © Dom Smaz pour Le Temps
Elena Chiavi et Thibault Smith, architectes diplômés de l'EPFL et tuteurs du projet «Peregrinus» qui a pour but de conceptualiser des abris pour pèlerins en Europe. Photo d'un abri sur le pèlerinage de la Via Francigena, Ollon, Suisse, le 29 août 2019. — © Dom Smaz pour Le Temps

Au cœur des vignes du Chablais vaudois, le Domaine de l’abbaye de Salaz s’étend sur 60 hectares. Témoignant d’un millénaire d’histoire, cette grande bâtisse se dresse sur le chemin du pèlerinage de la Via Francigena, reliant Canterbury à Rome tout en traversant la Suisse sur 215 kilomètres. Agriculture, élevage bovin, viticulture et réceptions composent les activités de l’abbaye. Depuis cet été, ses propriétaires proposent des chambres aux pèlerins qui passeraient par là. Une nouvelle forme d’accueil, en pleine nature, vient de voir le jour.

Deux abris pour randonneurs ont été construits en dix jours sur ce site symbolique, situé sur la commune d’Ollon. Ils sont le résultat de l’Assemblée européenne des étudiants en architecture (EASA), qui s’est déroulée cet été à Villars-sur-Ollon avec 500 étudiants. Une vingtaine d’entre eux, encadrés par quatre architectes diplômés de l’EPFL, se sont intéressés au pèlerinage, «cette forme de déplacement liée à une approche minimale du tourisme», raconte Elena Chiavi, l’une des tutrices du projet. Les deux abris en bois – aux apparences de cabanes – ont été construits avec simplicité. Ils permettent aux voyageurs de garder «une connexion directe avec la nature», ce qui n’est pas toujours faisable à chaque étape.

Made in Switzerland

Les deux créations sont faites pour être déplacées facilement. L’une des deux – sous forme d’un tipi – se situe à l’ombre d’un arbre centenaire et permet d’admirer les Dents-du-Midi. L’autre, au milieu des vignes, sur un terrain quelque peu abrupt, est une construction «tout terrain», qui peut être installée un peu partout. Au mois de septembre, les abris vont être transportés au château du Feÿ, en Bourgogne, où ils seront testés par le public du festival d’art qui s’y tient. Ils reprendront leur place initiale au printemps 2020, pour accueillir leurs premiers hôtes.

Les ateliers de l’EASA ont lieu chaque année dans un pays différent. «L’objectif premier est de transmettre un savoir-faire, une pratique, entre des architectes de toute l’Europe», précise Thibault Smith, qui a encadré la construction des abris. Lors de la construction des habitats pour pèlerins, «des techniques spécifiques à la Suisse» ont pu être partagées. Les abris sont constitués de bois et de feutre suisses.

Développement européen

Luca Bruschi, directeur de l’association de la Via Francigena, a fait le déplacement d’Italie pour voir les constructions de près. Ce projet vaudois intéresse spécialement l’association: «Nous souhaitons proposer ce type de projet ailleurs en Europe, l’amener en Italie ou en France», note-t-il. Pour lui, ces habitations collent parfaitement avec «l’esprit des randonneurs», et permettent d’offrir un nouveau type d’hébergement – en immersion dans la nature – pour les pèlerins. «Notre association permet avec de tels projets l’existence de véritables laboratoires de création», ajoute le directeur.

Lire aussi:  Les randonneurs boudent la neige de mai

2000 km dans la foulée de Sigerico

L’histoire du pèlerinage de la Via Francigena remonte loin. En 990, l’abbé Sigerico, illustre pèlerin, se rend à Rome afin d’être ordonné archevêque de Canterbury par le pape Jean XV. A son retour, le religieux note les noms des 80 étapes où il a passé la nuit. Son parcours relie quatre pays. Parti d’Angleterre, il traverse la France et la Suisse (en passant par l’abbaye de Salaz, dans le Chablais), continue en Italie pour finir à Rome.

Lire également:  Le climat urge, la Caravane passe

Ce n’est que depuis les années 2000 qu’un véritable chemin, sécurisé, a été mis en place. Le pèlerinage s’étend sur un total de plus de 2000 kilomètres, réalisables en trois ou quatre mois. Les marcheurs qui relèvent le défi sont de plus en plus nombreux. Ils sont environ 40 000 à emprunter le chemin chaque année, venus du monde entier. De par sa proximité avec l’aéroport de Genève, Lausanne sert de point de départ à nombre d’entre eux.