Un sondage révèle des comportements sexistes «intolérables» au CHUV
Travail
Un collectif d’étudiantes en médecine a diffusé un questionnaire sur le sexisme subi par les stagiaires en milieu hospitalier. Certains témoignages sont alarmants. Le CHUV annonce des mesures

Elles veulent lutter contre le sexisme à bas bruit qui règne dans les hôpitaux romands. Des étudiantes en médecine de l’Université de Lausanne ont pris l’initiative d’envoyer un questionnaire en ligne à leurs pairs pour mesurer l’ampleur du phénomène. Sur environ 800 messages expédiés fin mars, elles ont reçu une soixantaine de réponses. Les témoignages recueillis dépeignent un quotidien lourd et préoccupant pour les stagiaires femmes, a appris Le Temps.
«On a été surprises par le nombre de réponses et choquées par la gravité de certains actes», raconte une étudiante membre du Collectif de lutte contre les attitudes sexistes en milieu hospitalier (Clash!), une association créée après la diffusion de cette enquête officieuse.
Selon ce qui ressort du sondage, certaines stagiaires héritent de «petits noms» désagréables, quand d’autres sont victimes de propos déplacés voire, dans certains cas, de harcèlement sexuel. Sans compter les cadres qui se plaignent ouvertement de la présence de femmes dans le milieu hospitalier. «Cela ne se réduit pas à quelques cas individuels, il s’agit d’un problème systémique qui touche l’ensemble des échelons de la hiérarchie», souligne le collectif d’étudiantes, dont les membres préfèrent pour l’instant garder l’anonymat.
Le directeur des ressources humaines du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Antonio Racciatti, se dit «atterré» par les résultats du sondage: «Ces étudiantes ont vécu des expériences traumatisantes et elles se sont demandé si leurs camarades avaient également fait face à ce genre de situations. Leur enquête est étayée, elles ne se sont pas contentées de relayer des on-dit.»
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Peur des conséquences
Un climat pesant pour ces jeunes femmes qui font leurs premiers pas dans la profession. La majorité d’entre elles n’osent d’ailleurs pas dénoncer ces comportements déplacés auprès de la direction de l’hôpital ou des responsables de la faculté de médecine. Ce silence s’explique en partie par leur statut dans ces établissements. Elles intègrent un service pour une courte durée, par tranche d’environ un mois en dernière année, et ne savent pas toujours à qui s’adresser en cas de problème.
Autre frein: la peur. Des stagiaires renoncent à parler par crainte de conséquences sur leur carrière. Leurs homologues masculins ont également reçu le questionnaire, et ils sont peu à avoir fait part de leurs préoccupations. Toutefois, ceux qui ont répondu confient avoir déjà été témoins de cas problématiques. Mais ils se sentent bien souvent démunis face à un responsable qui se comporte de manière inappropriée.
Mesures annoncées
La diffusion massive du questionnaire visait justement à briser ce silence, et à ouvrir un grand débat sur le sexisme ordinaire. Surtout, les initiatrices du projet espéraient que des mesures soient prises. Elles ont été entendues. En première ligne, avec plus de 11 000 collaborateurs, le CHUV a reçu à plusieurs reprises les étudiantes. La dernière rencontre a eu lieu ce mercredi, notamment en présence du directeur de l’institution Pierre-François Leyvraz et d’Antonio Racciatti.
Les jeunes femmes avaient minutieusement préparé ce rendez-vous, avec deux demandes mises sur la table: l’ouverture d’un espace d’écoute pour les stagiaires et le lancement d’une campagne de sensibilisation du personnel. Ces deux mesures ont reçu un bon accueil de la part de la direction. Au point que l’association Clash! est associée à leur mise en œuvre. Deux groupes de travail doivent ainsi présenter leurs idées le 12 septembre, au moment de la rentrée scolaire, avec un lancement espéré à l’automne. «Il est important que l’institution rappelle que des comportements sont intolérables. Cela doit cesser», affirme Antonio Racciatti.
Mais pourquoi avoir attendu les résultats de ce sondage officieux pour prendre des mesures? Le responsable rappelle que le CHUV applique depuis plusieurs années une «tolérance zéro» face au harcèlement. L’année dernière, un chirurgien avait été mis à pied pendant six mois à la suite de plaintes du personnel pour son comportement dénigrant et violent. Concernant la situation délicate des stagiaires, il est prévu qu’un courrier électronique soit envoyé aux formateurs afin de leur rappeler leur devoir de protection.
«Il n’y a pas plus de maltraitance dans le milieu hospitalier qu’ailleurs, mais on est déterminé à y mettre fin», promet le DRH. Une réaction saluée par les auteures du questionnaire: «On espère que cette culture de travail va changer.»