Simple réalité
Contacté par Le Temps, le propriétaire de la porcherie située dans le Nord vaudois ne s’affole pas pour autant. «Les cochons sont des animaux particulièrement curieux. Alors quand un intrus pénètre dans leur lieu de vie avec un flash, c’est évident qu’ils vont s’approcher», se défend-il avant de poursuivre. «Ce qui a été filmé, c’est la réalité et c’est la preuve que ces bêtes sont heureuses. On ne peut pas critiquer le manque de lumière en pleine nuit et encore moins le bruit permanent qui provient des filtres installés pour éliminer les gaz à effet de serre. Quant à la litière, les porcs sont des animaux très propres et ils font leurs besoins dans un espace réservé à cet effet. En revanche, ça arrive qu’ils se salissent en se couchant dedans.»
Pour le propriétaire de l’établissement – qui n’exploite pas lui-même la porcherie –, ces attaques sont un non-sens. «Il n’y a absolument rien d’illégal sur les images que vous pouvez visionner. Pourquoi nos animaux n’ont pas d’espace extérieur? Simplement pour limiter les effets du méthane sur l’environnement. A un moment donné, il faut savoir ce qu’on veut», estime le paysan, très déçu de cette infiltration. «J’invite qui le souhaite pour une visite de ma ferme. Mais qu’on vienne chez les gens pour dénoncer uniquement ce qui arrange la cause, ça m’attriste.»
Dernier point d’accusation, le nombre de décès répertoriés sur une liste également dévoilée dans la vidéo de PEA. «Nous avons 760 bêtes réparties dans des enclos de 22 individus. Que ce soit un élevage de chats ou de porcs, c’est évident qu’il y aura de temps en temps un décès», commente le principal intéressé. Alerté par ces images, Gaël Monnerat, président de Suisseporcs, analyse la situation. «Nous sommes face à un producteur qui respecte le minimum légal et qui n’est donc pas obligé de posséder un espace extérieur. Dans notre pays, 30% des éleveurs produisent de la viande labellisée [normes plus sévères, ndlr] mais nous en avons déjà beaucoup trop. Le consommateur n’est pas prêt à mettre le prix qui correspond à de meilleures conditions.»
L’association se défend
De son côté, l’association assure ne pas vouloir s’en prendre directement à l’agriculteur mais simplement dénoncer la réalité de la production suisse. «A travers ces images d’un établissement tout à fait dans la norme, nous souhaitons montrer aux gens qu’il y a encore la possibilité de faire des progrès en la matière, indique Pia Shazar, responsable média pour PEA, avant de continuer. Avec ces images nous démontrons qu’en Suisse il existe bel et bien de l’élevage intensif. Alors certes ces cochons ont un peu de lumière en journée mais, comme 50% de leurs congénères, ils ne voient jamais le ciel. Ce n’est pas une vie!»
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Actuellement, les éleveurs peuvent contenir jusqu’à 1500 cochons d’engraissement par halle. La moyenne se situe aux alentours de 220 bêtes par exploitation et un espace de sortie n’est pas obligatoire. «Bien sûr nous ne sommes pas au même stade que nos voisins français. Mais quand j’entends Valérie Dittli, nouvelle conseillère d’Etat vaudoise chargée de l’agriculture, dire que l’élevage intensif en Suisse n’est pas une réalité, c’est aberrant», lance Pia Shazar, qui juge que ces propos sont «de la mauvaise foi ou de la manipulation de l’opinion publique».
La nouvelle ministre vaudoise ne souhaite pas s’exprimer sur le fond du sujet. Elle indique uniquement à travers un e-mail que: «Cette vidéo s’inscrit clairement dans le cadre politique et émotionnel de la campagne en faveur de l’initiative fédérale pour la fin de l’élevage intensif.» Et de rajouter: «Le Conseil d’Etat déterminera prochainement et de manière collégiale sa position dans ce dossier complexe aux multiples enjeux économiques et sociétaux.» A noter encore que l’exploitant de la porcherie a décidé de porter plainte, regrettant cette façon illégale de pénétrer dans une propriété privée.