Les Vaudois sont priés d'arbitrer la bataille des gravières dans sept communes du Pied du Jura
VAUD
Aboutie voici déjà six ans, l'initiative «Sauver le Pied du Jura» de Franz Weber veut un «Parc cantonal». Communes concernées, autorités cantonales et milieux économiques refusent et s'opposent à «une mise sous cloche» de la région.
Avec le temps qui passe, le motif initial du combat s'est évanoui. Les promoteurs de l'exploitation de gravier à L'Isle ont retiré leur plan d'extraction, celui dont l'approbation avait déclenché l'initiative «Sauver le Pied du Jura». A l'appui de son projet de «Parc cantonal», proscrivant en particulier l'exploitation de nouvelles gravières sur le territoire de sept communes (voir carte), Franz Weber n'en a pas moins récolté 17 216 signatures, déposées en mars 1998. Six ans plus tard, les Vaudois voteront enfin – le 16 mai – sur un texte que ses partisans jugent indispensable pour «préserver une nature intacte des spéculateurs», mais que ses détracteurs accusent de «préparer une réserve d'Indiens». Suivi par le Grand Conseil, le gouvernement vaudois n'a pas opposé de contre-projet au nouvel article qu'il est question d'insérer dans la Constitution, recommandant son rejet pur et simple.
Entre les deux camps, les positions sont parfaitement inconciliables. Lançant sa campagne voici une semaine, le toujours bouillant écologiste montreusien s'en est violemment pris au conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud, chef du Département de la sécurité et de l'environnement, l'accusant d'être «un fieffé menteur». Origine de son ire, les appréciations selon lesquelles son initiative condamnerait l'économie, déjà peu développée, de ce coin périphérique du Pays de Vaud. «Noir sur blanc, notre texte s'en prend aux industries nouvelles qui pourraient porter atteinte au caractère intact du parc! Aucune clause n'interdit l'installation d'industries non polluantes et respectueuses de l'environnement», s'emporte Franz Weber.
Ce qui n'est pas l'avis du comité d'opposition. Jeudi à Lausanne, l'un de ses coprésidents, l'ancien conseiller d'Etat Charles Favre, a dénoncé «une fossilisation de la région», jugeant que même les éventuelles infrastructures hôtelières nécessaires à un «tourisme doux» seraient entravées si l'initiative était acceptée. Du côté des autorités communales concernées, ce n'est pas davantage la joie. Porte-parole de ses six collègues, Michel Desmeules, syndic de Montricher, a relevé que 246 signatures seulement avaient été obtenues dans les sept communes concernées, qui comptent quand même 3000 habitants.
L'initiative est peu soutenue dans des collectivités qui ont vu leurs forêts (38% du territoire total) passer du statut de richesse à celui de charge, et qui ont le sentiment d'être amplement pourvues en matière de protection de la nature, avec 61% de leur territoire soumis à des restrictions diverses. «J'ai toujours vécu dans la proximité d'une gravière, c'est quelque chose de normal», dit Michel Desmeules. Les gravières y sont vues comme l'un des rares potentiels économiques, susceptible de garder des emplois sur place. Théoriquement, il est possible, sur ces sept communes, d'extraire 8,2 millions de m3, un enjeu de 350 millions de francs au total, et d'une cinquantaine de millions pour les propriétaires de terrains.
De quoi fulminer contre ceux «qui veulent égoïstement le calme, pour leur confort». Franz Weber réplique en martelant qu'il a été appelé par des habitants «désespérés de voir l'environnement livré à une industrialisation dévastatrice». Et il s'en prend directement au syndic et à deux municipaux de Montricher, propriétaires de terrains susceptibles d'être vendus aux exploitants de graviers. Les nuisances des gravières, la poussière, les norias de camions, les balafres dans le paysage sont aussi invoquées par les initiants. «Toute exploitation de gravier fait l'objet d'une procédure longue, stricte, comprenant la recherche d'itinéraires de contournement ou de transports alternatifs. Sans compter qu'il est beaucoup moins écologique d'importer du gravier de France», rétorquent ses opposants. Le vrai caractère d'un Parc régional «qui doit être porté par la population concernée» est une dernière pomme de discorde.
Malgré toute sa verve, Franz Weber paraît bien isolé dans cette campagne. Les autres organisations de protection de la nature ne s'engagent guère, regrettant la focalisation sur les gravières, et un combat mené contre l'avis majoritaire des populations locales.