Vents contraires pour les éoliennes du Creux-du-Van
Energie
Plusieurs personnalités ont lancé mardi une pétition demandant à préserver les paysages de la région des crêtes du Jura entre Vaud et Neuchâtel, un joyau naturel dans lequel sont planifiés trois projets de parcs éoliens

Le groupe est pour le moins hétéroclite. On retrouve Michel Bühler, le troubadour rebelle et libertaire, le jeune conseiller national UDC Michaël Buffat, Jean-François Cavin, directeur pendant plus de vingt ans du Centre patronal vaudois, ou encore le Genevois Philippe Roch, qui a dirigé successivement le WWF Suisse et l’Office fédéral de l’environnement.
Ils sont réunis ce mardi matin pour une conférence de presse au Grand Hôtel des Rasses visant à marquer leur profonde opposition à plusieurs projets de parcs éoliens planifiés sur les crêtes du Jura vaudois, à la frontière du canton de Neuchâtel. «Un combat dont l’importance dépasse les clivages partisans», assure Michel Bühler.
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«Le Cervin du Jura»
Concrètement, ces personnalités font partie des parrains de la pétition pour «sauver le Chasseron et le Creux-du-Van», lancée sous l’égide de l’association Paysage-Libre Vaud et soutenue par différentes organisations de protection de la nature. «Le Creux-du-Van, c’est le Cervin du Jura, le premier site qui a été protégé dans l’histoire de notre pays», lance le Chaux-de-Fonnier Roman Hapka, responsable romand de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage, qui ne conçoit pas que l’on puisse dénaturer ce site unique, qui attire chaque année 100 000 visiteurs.
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Dans le viseur de la pétition, trois projets pour un total de 41 éoliennes qui devraient être installées dans la zone d’une vingtaine de kilomètres séparant le sommet du Chasseron du Creux-du-Van: Grandevent (7 mâts), Grandsonnaz (17) et Provence (17). «On assisterait à l’industrialisation massive d’un paysage jusqu’ici préservé», s’indigne Philippe Roch. «Imaginez-vous, les pales culmineront à 200 mètres; en comparaison la cathédrale de Lausanne et le Jet d’eau de Genève font respectivement 80 et 140 mètres de hauteur», explique Pierre Cusin, président de l’association Vol au vent.
«Régional de l’étape», habitant sur le Balcon du Jura, Pierre Cusin signale également la proximité de deux grands projets versant neuchâtelois, dont celui de la Montagne-de-Buttes, dans le Val-de-Travers, qui, avec 19 machines, sera le plus grand parc éolien de Suisse. De son côté, l’ancien patron des patrons vaudois Jean-François Cavin n’hésite pas à parler d'«un saccage».
Potentiel éolien vaudois
Cette pétition ouvre un nouveau front dans la vive bataille que se livrent depuis plusieurs années pro- et anti-éoliens, un débat particulièrement houleux en terre vaudoise. Avec 19 parcs retenus dans sa planification, le canton représente le plus gros potentiel en Suisse. En théorie, les vents vaudois devraient pouvoir fournir 25 à 35% de l’énergie éolienne de l’ensemble du pays. Pourtant, pas une seule machine n’a pour l’heure été posée, tant les blocages sont nombreux – alors même que le premier projet, celui de Sainte-Croix, a été lancé en 1997 déjà.
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Il y a un an pourtant, le 21 mai 2017, la population suisse donnait un signal clair à l’essor des énergies renouvelables en acceptant à une large majorité (58,2%) la Stratégie énergétique 2050. Défendue par la conseillère fédérale Doris Leuthard, celle-ci prône une sortie à terme du nucléaire et une diminution de la dépendance aux énergies fossiles. Selon les plans, l’éolien devrait représenter 7,5% de la production totale d’électricité en 2050 (seulement 0,2% aujourd’hui, avec 37 turbines en fonction). En Romandie, lors de la votation, c’est le canton de Vaud qui s’est montré le plus enthousiaste avec 73,5% de oui.
Pour Philippe Roch, il faut bien sûr respecter la volonté populaire. Mais pour l’ancien patron de l’Office fédéral de l’environnement, il y a d’autres moyens pour atteindre les objectifs fixés que de construire «au cœur des derniers endroits restés naturels d’une Suisse fortement urbanisée»: «Nous pouvons commencer par des mesures d’économies d’énergie, puis développer en priorité d’autres énergies vertes moins dommageables comme le solaire, la biomasse et la géothermie.»
2018: année charnière
Outre la pétition qui devrait être remise d’ici au mois de septembre aux autorités tant cantonales que communales, les anti-éoliens promettent de multiplier les actions. «Les week-ends d’été, une permanence sera assurée tant au Chasseron qu’au Creux-du-Van pour sensibiliser les promeneurs», explique encore Pierre Cusin. Même si les trois projets de la région sont encore dans des phases préliminaires, il sent que les promoteurs veulent profiter de l’élan de l’acceptation de la Stratégie énergétique 2050 pour les faire avancer. Déterminé, il prédit que «l’année 2018 sera charnière dans le dossier éolien».