De la Ritaline pour les sénateurs

Stimulants Vers un refus d’une restriction des prescriptions

La Ritaline est-elle prescrite trop facilement en Suisse? Le Conseil des Etats devrait répondre négativement à cette question ce mardi, mettant un terme – sur le plan politique du moins – au vieux débat sur la surconsommation du psychostimulant à base de méthylphénidate. La Commission santé de la Chambre des cantons (CSSS-E) propose à l’unanimité de refuser une motion de sa commission sœur du National demandant de mieux cadrer les prescriptions du médicament. Une proposition qui avait été soutenue en plénum par 163 voix contre 10 en juin 2013.

Le contexte a changé. En novembre 2014, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a publié un rapport en réponse à plusieurs interventions parlementaires. Sur 18 pages, il calme le jeu, soulignant que les médecins ne prescrivent pas abusivement de la Ritaline aux enfants et adolescents souffrant d’un trouble du déficit de l’attention (TDAH, ou «tada»); que l’augmentation de prescriptions s’explique par une plus grande notoriété et une meilleure acceptation du médicament ainsi que par une augmentation de la prescription aux adultes; et, c’est important, qu’il n’y a pas d’augmentation substantielle de l’utilisation de la molécule pour améliorer les performances («neuro­enhancement»).

Reprenant ces constats à son compte, le Conseil fédéral juge inutile de légiférer. Dans le même esprit, la CSSS-E «prend acte» des conclusions du rapport. Un épilogue qui soulage Michel Bader, privat-docent de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne et spécialiste du traitement du TDAH: «Ce serait une décision raisonnable. Mais elle ne suffit pas. Comme le suggère le rapport, il faut lancer une campagne d’information nationale sur le TDAH pour améliorer la reconnaissance de ce trouble et des souffrances qu’il engendre. La question de la médication n’est pas la plus importante.»

3 à 5% d’enfants TDAH

Selon le rapport de l’OFSP, «3 à 5% des enfants et adolescents vivant en Suisse souffrent d’un TDAH. Dans un cas sur quatre, le médicament prescrit à ces patients contient du méthylphénidate», Ritaline et affiliés. Le texte précise encore que la médication et la psychothérapie «ne sont pas concurrentes, mais complémentaires dans le traitement de la maladie».

Selon Michel Bader, l’amélioration de la détection et des prises en charge constitue un enjeu capital: «Il faut mieux informer les parents, mais aussi les soignants au sens large. C’est indispensable pour permettre aux adolescents ayant un TDAH de pouvoir réussir leur apprentissage ou leurs études.» Les patients ont souvent de la peine à s’organiser, à se concentrer quand cela ne les intéresse pas. Ils sont instables, ressentent souvent une intense agitation intérieure et recherchent les sensations fortes.

Le rapport de l’OFSP insiste sur la nécessité de poursuivre l’étude du «neuroenhancement» dans le cadre du Monitorage suisse des addictions. La prévention, la réduction des risques et le traitement des consommations problématiques de psychostimulants seront intégrées à la Stratégie nationale en matière de dépendance, avec une attention particulière au groupe à risque «Adolescents et jeunes adultes».

Le débat sur le TDAH, lui, est loin d’être épuisé. Des psychiatres remettent en cause l’existence même de la maladie. «C’est une question récurrente relayée par les médias, soupire Michel Bader. L’essentiel, c’est qu’on puisse en parler. Pour autant, bien sûr, que le débat se déroule dans un climat serein en évitant l’écueil des prises de position idéologiques.»