Réussira-t-on à se passer des énergies fossiles et de l’électricité nucléaire? C’est l’une des grandes questions du moment dans l’arène politique fédérale. Une partie de la réponse se trouve dans le développement des énergies renouvelables indigènes, à commencer par le solaire. Ce vendredi, la Commission de l’énergie du Conseil des Etats s’est à nouveau penchée sur la question. Et sa majorité a choisi une voie modérée sur le courant photovoltaïque: pas question d’imposer les panneaux sur tous les toits des nouvelles constructions et des grandes rénovations, comme le veut pourtant le Conseil national. En lieu et place, elle préfère en installer uniquement sur les bâtiments d’une surface dépassant 300 mètres carrés, ainsi que pour les nouveaux parkings de 250 mètres carrés. La plénière se prononcera encore sur ces recommandations.

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Les Vert·e·s fourbissent leurs armes

Les Vert·e·s font déjà part de leur mécontentement. Même s’ils relèvent des points satisfaisants au projet, comme le maintien des débits d’eau des centrales hydroélectriques pour préserver la faune et la flore, l’offensive solaire leur paraît bien trop timide. Leur président, Balthasar Glättli, l’annonce tout de go: «Si le parlement ne corrige pas ce point-ci, nous lancerons une initiative populaire.»

Le parlement bûche depuis des mois sur divers projets destinés à donner des coups d’accélérateur. L’an dernier, il a adopté une loi urgente pour les projets bien avancés de grandes centrales photovoltaïques, leur accordant sous conditions de généreuses subventions (60% des investissements) et simplifiant les procédures d’autorisation. Cette loi est limitée dans le temps, elle échoit fin 2025.

Pour la suite, le parlement s’attelle à la loi sur l’approvisionnement en électricité renouvelable. C’est sur cette loi que les Vert·e·s font la grimace et jugent le volet solaire trop faible. «Notre projet demanderait d’installer des panneaux photovoltaïques sur tous les toits des nouvelles constructions, peu importe leur surface, et lors de toutes les rénovations», détaille Balthasar Glättli. «Le potentiel de cette énergie est immense, comme l’attestent des études de l’Office fédéral de l’énergie. Si on n’agit pas maintenant sur les rénovations, on va rater de belles occasions et pour longtemps. Une fois que la rénovation est faite, les propriétaires attendent des dizaines d’années pour entreprendre d’autres travaux.»

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Tous les toits, pas que les nouveaux

Les Vert·e·s ne veulent pas s’arrêter aux nouveaux bâtiments et rénovations. Ils visent aussi les autres toits. «Les propriétaires disposeraient d’un délai jusqu’en 2040 pour les équiper de panneaux solaires», poursuit le conseiller national zurichois. Les travaux pouvant se révéler coûteux et hors de portée pour certaines personnes, un fonds de roulement prêterait les montants nécessaires à taux d’intérêt bas ou même nul. Les propriétaires rembourseraient ensuite ce crédit grâce aux bénéfices générés par la vente d’électricité, pour laquelle ils bénéficieraient d’un prix minimum garanti. «Il pourrait y avoir des exceptions: pour les bâtiments protégés ou historiques, par exemple dans les vieilles villes ou dans certains villages, ou pour des maisons en ville qui ont une façade végétalisée pour lutter contre les îlots de chaleur.»

Et les parcs solaires alpins? A leur évocation, certains Vert·e·s font plutôt la moue. Leur président, Balthasar Glättli, cantonnerait ces installations sur le bâti existant, ou à proximité.

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Préséance aux cantons

Dans le camp bourgeois, ces vues ne séduisent guère. Ainsi, le libéral-radical Damian Müller (LU) favorise une autre méthode. «Nous ne sommes pas contre les panneaux solaires. Mais la question tourne autour de la répartition des compétences entre Berne et les cantons. Et nous souhaitons que les cantons décident.» Car ceux-ci ont parfois déjà commencé à agir. «Je pense par exemple à mon canton, Lucerne, qui impose des panneaux solaires sur toutes les nouvelles constructions, avec quelques exceptions.»

Le sénateur lance une pique au président des écologistes. «Les Vert·e·s peuvent bien lancer une initiative populaire s’ils en ont envie. Mais que Monsieur Glättli regarde sa ville de Zurich: il n’y a pas beaucoup de panneaux solaires. Pour promouvoir les panneaux, il n’y a pas que l’obligation d’en poser sur les toits qui compte, mais d’autres critères comme le prix d’achat du courant et la qualité du réseau.»

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