La rumeur a commencé à se propager au début du mois de décembre 2004. Catherine Schallenberger fait alors partie des cinq «candidats à la candidature» du Parti radical qui postulent à deux des cinq places de la liste bourgeoise. Plusieurs membres du parti sont rapidement mis au parfum. Président du PRDN, Raphaël Comte a ainsi vent de l'ardoise fiscale de sa candidate le jour avant que celle-ci ne lui en parle. «Rumeur ou pas, je devais le lui dire, raconte-t-elle. Un problème comme celui-ci sort de la sphère purement privée lorsqu'on postule à un siège au Conseil d'Etat.»
L'entrevue se déroule quelques jours avant le Congrès du 15 décembre. Catherine Schallenberger explique à son président ses difficultés récurrentes à payer ses impôts. Pour ne rien arranger, elle a dû faire face à une troisième maternité particulièrement onéreuse: alors qu'elle croit être au bénéfice d'une assurance semi-privée, elle découvre après coup n'être couverte qu'en commune «pour les lunettes et l'accouchement». La famille doit payer la différence. Le montant est élevé: il comprend une césarienne et dix jours de maternité.
Au terme de l'entretien, Catherine Schallenberger promet qu'elle remboursera sa dette dans les plus brefs délais si sa candidature est retenue par le parti. Son élection acquise, elle a tenu parole. comme le prouve une attestation du Département des finances et des affaires sociales datée du 6 janvier. «Pour y arriver, nous avons emprunté de l'argent à des amis», confie-t-elle.
Malgré cet épilogue, la rumeur a continué à enfler ces dernières semaines, incitant la candidate radicale à lui tordre le cou. «Si je n'avais rien fait, ce serait de toute façon sorti tôt ou tard, estime-t-elle. Ce faisant, je bétonne ma position.» La secrétaire générale de l'Organisme d'autorégulation des avocats et des notaires en matière de blanchiment d'argent évite ainsi de s'exposer à des questions assassines lors des futurs débats de campagne.
Restent plusieurs interrogations dans une intrigue aux relents de règlements de comptes politiques. Au-delà de la provenance de la fuite, la question centrale concerne le mobile de ceux qui l'ont orchestrée. En clair: à qui profite le crime? Catherine Schallenberger et Raphaël Comte – également présent hier – évitent de spéculer. Ce qui n'empêche pas la première de s'interroger: «A-t-on voulu m'atteindre moi? Ce que je représente au sein du parti? Le parti lui-même?»
Les deux premières hypothèses semblent tenir la corde. De par son profil, Catherine Schallenberger suscite la méfiance, voire une franche hostilité au sein de l'aile droite libérale/radicale. En ces temps de repositionnement stratégique, suite aux dernières défaites électorales, on lui reproche un profil trop centriste, proche du ministre sortant Thierry Béguin. Son opposition à une alliance avec l'UDC – qu'elle est seule à défendre sur le ticket bourgeois – suscite aussi des critiques (LT du 13.01.2005). Souvent, les mots sont durs: «J'espère sincèrement qu'elle prendra une veste», confiait un cadre radical au soir du 15 décembre.
Le timing choisi pour lancer la rumeur plaide également en faveur d'un complot fomenté au sein de la droite: initiée quinze jours seulement avant l'investiture radicale, la manœuvre laisse penser qu'on souhaitait voir la candidate de Cressier mise d'emblée hors jeu. La tentative ayant échouée, la machine serait devenue incontrôlable, pour finalement porter ombrage au Parti radical et à l'ensemble de l'alliance bourgeoise. La bombe se serait-elle retournée contre ses expéditeurs? Prudente, Catherine Schallenberger botte en touche: «J'ai pris l'initiative de vous convoquer pour sauver ma peau. Pas pour tirer sur mon propre parti.»
Quel que soit le fin mot de l'histoire, Catherine Schallenberger veut désormais tourner la page et penser à l'élection du 10 avril prochain. Raphaël Comte – qui ne veut pas croire à des règlements de comptes à l'interne – reste positif: «Si on nous attaque, c'est que nous ne sommes pas aussi morts que cela.»