VAUD
Le quartier de la Valsainte lutte contre la ruine. Une association a obtenu un droit de superficie, notamment pour créer une épicerie. Un festival jusqu'à fin août permet aux passants de découvrir le joyau du secteur: sa cour.
Rares sont les touristes de passage à la Valsainte. Le petit quartier de l'est de Vevey, délimité par les rues de la Valsainte, du Collège, du Chablais et de Sainte-Claire, n'est plus au centre de la ville, déplacé depuis des années vers l'ouest et ses grands centres commerciaux. Et c'est peut-être cette discrétion qui l'a préservé du bouleversement urbain des années 1980.
Ça, et l'Association du quartier de la Valsainte (AQV), qui s'est constituée il y a quinze ans pour sauvegarder ces maisons, certaines vieilles de quatre siècles. Et surtout la cour, joyau du quartier, dont les vieux bâtiments sont comme un écrin. Entre les quatre murs troués par les petites fenêtres des appartements s'étend un rectangle pavé grossièrement.
A l'angle sud-est se tenait au début du siècle la Brasserie du Collège, où Mussolini aurait prononcé un discours en 1929. Aujourd'hui, ce sont les chats qui ont envahi la place, se glissant effrontément entre les longues branches du lierre qui couvre de vert deux des murs du rectangle.
La Valsainte vieillit mal
«Avant, ici, c'était un cloaque», se souvient Randolph Hunziker, responsable culturel de l'AQV et installé dans le quartier depuis plus de vingt ans. Mais les habitants, marginaux, artistes et étudiants attirés par l'atmosphère et les loyers dérisoires, lui ont donné une nouvelle jeunesse. C'est dans cette cour qu'est née la conscience de quartier, autour d'une commune révolte contre des propriétaires qui entreprenaient au compte-gouttes les réparations demandées.
C'est que la Valsainte vieillit. Et qu'elle vieillit mal. Les vénérables façades construites au XIXe siècle sur la rue du Collège menacent de tomber, et on ne compte plus les lézardes. Mais cette lente décrépitude ajoute aussi au quartier une touche romantique, un air de paradis sur le déclin. L'encombrement anarchique des ateliers de petits artisans rivalise avec l'exubérance végétale de quelques petits jardins, suspendus sur les toits ou gagnés sur une cour.
Quelques signes pourtant témoignent d'un lent renouveau. D'abord, le jaune pimpant des bâtiments fraîchement rénovés au bord de la rue de la Valsainte. Et les échafaudages qui recouvrent une partie des murs de celle du Chablais. Les choses s'apprêtent à bouger également rue du Collège, dans les deux maisons propriété de la commune. En juin, cette dernière a accordé un droit de superficie à la Coopérative de la Valsainte, émanation de l'AQV. Son but: rénover dix appartements et en créer deux dans les combles.
Pour le centenaire du café
Plus important encore pour ce quartier délaissé du développement urbain veveysan: le projet de petit commerce prévu au rez-de-chaussée des bâtiments. Un épicier de Pully, amoureux de la Valsainte, envisage aussi d'y installer un four à pain. Il serait temps. Car alors que l'ouest de la ville a connu un développement rapide depuis la fin des années 1990, avec la création de nombreux logements et surtout l'ouverture ou l'agrandissement de grands centres commerciaux, l'est se désertifie lentement.
Sauvé in extremis en 1980
Haut lieu du quartier, c'est dans le Café de la Valsainte que s'est institué le mouvement pour la survie en 1990: pour célébrer son centenaire, l'AQV est créée, autour de quelques habitants déjà mobilisés dans la cour.
Mais la décrépitude des années 1980-1990 et la lente désertification de la zone ne sont pas les premiers tourments que doit affronter la Valsainte. Si elle échappe à tous les grands incendies historiques, dont celui de 1688 qui réduit presque tout Vevey en cendres, sa survie face à l'envahisseur bernois ne tient qu'à un fil: mais l'occupant renonce à détruire le quartier pour préserver les biens de ses alliés fribourgeois. Les chartreux du couvent gruérien de la Valsainte sont en effet les premiers propriétaires de la zone, qui héritera de leur nom.
La pire menace viendra finalement à l'époque contemporaine. En 1977, le Conseil communal veveysan approuve un plan d'extension: la Valsainte sera rasée pour accueillir un centre commercial et un parking. Le Tribunal fédéral sauvera la zone en donnant raison aux propriétaires trois ans plus tard.