La barre des 900 décès liés au Covid-19 a été atteinte en Suisse. Mais quelle est la réalité qui se cache derrière ce chiffre? Qui sont les personnes qui perdent leur combat face à ce coronavirus? Les statistiques publiées tous les jours par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) nous donnent de nombreuses indications et permettent de dresser un portrait-robot des victimes suisses du Covid-19. S’il fallait synthétiser, on pourrait dire que dans notre pays, il s’agit d’hommes, latins, de 84 ans, ayant au moins une maladie préexistante. Mais ce résumé est bien trop laconique. Reprenons point par point.

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■ L’âge

Les statistiques fournies par l’OFSP précisent que l’âge médian des victimes du Covid-19 est de 84 ans (la moitié des personnes décédées étaient plus jeunes et l’autre moitié plus âgées). Si ce chiffre est proche de celui de l'espérance de vie à la naissance en Suisse, les deux ne peuvent pas être mis en parallèle, l'espérance de vie à 80 ans étant de 9 ans pour les hommes et 10,5 ans pour les femmes. La victime la plus jeune avait 31 ans, tandis que la plus âgée avait 101 ans. Si l’on analyse plus finement les données, on constate toutefois que plus on est âgé, plus on a de risques d’être emporté par le Covid-19, puisque près de sept personnes décédées sur dix (612) avaient plus de 80 ans, alors que cette tranche d’âge représente moins de 13% des quelque 25 834 cas confirmés en laboratoire.

L’OFSP souligne, à ce sujet, que «l’âge avancé est certainement aussi synonyme de fragilités supplémentaires, en termes d’immunité et également de vieillissement des organes, par exemple. Les personnes âgées ont aussi plus fréquemment des maladies préexistantes ou comorbidités.»

■ Le sexe

Les hommes représentent 60% des victimes. Ils sont 543 à avoir succombé au Covid-19, contre 356 femmes. Si ce pourcentage est identique à celui des hospitalisations, il diffère en revanche de la répartition des cas confirmés. Le coronavirus touche, en effet, plus les femmes, puisqu’elles représentent 54% des personnes infectées dont le résultat a été confirmé en laboratoire. Sur ce point-là, l’OFSP «ne sait pas, pour l’instant, comment expliquer cette différence».

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■ Les maladies préexistantes

La quasi-totalité des personnes décédées (96%) souffraient d’au moins une maladie préexistante, «sur les 868 personnes décédées pour lesquelles les données sont complètes», précise l’OFSP. Si les trois maladies les plus fréquemment mentionnées sont l’hypertension artérielle (chez 64% des personnes décédées), les maladies cardiovasculaires (56%) et le diabète (27%), le surpoids et l’obésité sont également des facteurs à haut risque face au Covid-19. Nos confrères de la RTS révélaient le week-end passé que sur les 101 patients aux soins intensifs aux HUG, 83 sont en surpoids. Cela est «lié aux autres maladies qui accompagnent souvent l’obésité, comme le diabète et l’hypertension», souligne l’OFSP.

■ Le lieu de résidence

Près de 68% des victimes du Covid-19 habitaient en Suisse romande et au Tessin, alors que la Suisse latine représente moins d’un tiers de la population du pays. Avec 177 victimes, le canton de Vaud est le plus endeuillé, devant le Tessin (156) et Genève (150). Si le canton de Zurich compte un nombre quasiment identique de cas confirmés que le Tessin, il dénombre en revanche moitié moins de décès (74). Pour expliquer ces variations, l’OFSP précise que «les mesures ont été décidées sur le plan fédéral alors que l’épidémie était déjà avancée de manière différente en fonction des régions». Cela n’a aucun lien avec une différence de prise en change selon le canton. «Elles sont du même niveau», assure l’OFSP.

■ La situation socioéconomique

Si l’Office fédéral de la santé publique distille, chaque jour, toutes les informations qu’il recense sur la pandémie qui frappe actuellement notre pays, il y a une donnée qu’il ne semble pas avoir encore prise en compte: la situation socioéconomique des victimes du Covid-19.

En d’autres termes, le coronavirus frappe-t-il plus durement les classes sociales plus modestes? «La réponse, on l’a déjà, on le voit par exemple aux Etats-Unis, où les Afro-Américains et les Latinos sont plus durement frappés. Ce que l’on ignore pour le moment, c’est la magnitude de l’inégalité, insiste Ola Söderström, professeur de géographie sociale et culturelle à l’Université de Neuchâtel. On sait que globalement les personnes moins aisées sont plus exposées aux risques, comme le cancer par exemple. Ce phénomène va se présenter à nouveau avec le Covid-19, notamment parce que les personnes les plus exposées, dont on considère le métier comme indispensable, ne font pas partie des hauts revenus.»