«On ne sait pas trop ce que les prochains jours nous réservent, mais nous savons que ça va être difficile.» Ce n’est pas un médecin urgentiste du CHUV qui parle, dans l’attente des prochains malades du Covid-19, c’est Christophe Dubrit, chef de service du Centre LAVI Vaud, qui redoute l’afflux massif de cas de violence conjugale. Les mesures de lutte contre la pandémie entraîneront vraisemblablement une augmentation des violences dans le couple et dans la famille.

«Le confinement partiel accentue la promiscuité, renforce le stress et l’anxiété et limite les temps de répit pour les personnes victimes, détaille-t-il. Dans une situation de couple usuel, on va réussir à communiquer et s’adapter aux nouvelles normes provisoires du vivre-ensemble. Mais dans les couples qui dysfonctionnent, cela va être beaucoup plus complexe. Je dois avouer que nous sommes très inquiets. L’ouverture temporaire de nouveaux foyers n’est pas recommandée, au vu de la contamination possible, et nous ne savons pas à quoi nous aurons affaire en termes d’ampleur.»

Dans les cas de ménages qui ont déjà connu des épisodes de violence conjugale ou familiale, nous craignons que la situation ne s’aggrave

Colette Fry, directrice du Bureau genevois de la promotion de l’égalité

La police est également préoccupée, comme nous le révèle Alexandre Brahier, porte-parole de la police genevoise. «Le risque d’explosion de la violence conjugale en période de confinement existe, et nous en sommes conscients. Nous n’avons pas encore de chiffres à donner, car les mesures de restriction de sortie sont encore très récentes. Le travail de la police se poursuit et nos missions sont assurées de manière rigoureuse. Les conseils que je donnerais pour réussir à garder son calme lorsque l’on sent la violence monter sont de sortir faire un peu de sport et de ne pas rester 24h/24 l’un sur l’autre.»

Tout le réseau mobilisé

D’un canton à l’autre, les professionnels confrontés à des personnes victimes de violence conjugale sont sur le qui-vive. «Nous sommes conscients du risque accru de montée des violences domestiques en temps de confinement, témoigne à son tour Colette Fry, directrice du BPEV (Bureau genevois de la promotion de l’égalité entre femmes et hommes et de prévention des violences domestiques). La réclusion exacerbe les tensions. De plus, les angoisses liées à la contraction du virus et à la santé de nos proches, ainsi que les inquiétudes en lien avec la situation économique sont des facteurs aggravants. Sont particulièrement à risque les couples qui ont déjà vécu des antécédents de violences avant la situation de confinement. Dans certaines familles ou certains couples, ces situations de proximité exceptionnelle pourront révéler des dissensions déjà existantes et pousser ainsi certains de ces derniers à se séparer. Mais dans les cas de ménages qui ont déjà connu des épisodes de violence conjugale ou familiale, nous craignons que la situation ne s’aggrave.»

Colette Fry dit être consciente du risque de devoir faire face à une augmentation des sollicitations. «Tout le réseau est mobilisé: les services d’aide ambulatoire de soutien psychosocial sont atteignables, les consultations se faisant par téléphone, et les foyers sont ouverts. La police est prête à intervenir comme d’ordinaire. Nous avons également communiqué sur les réseaux sociaux et notre site internet à ce sujet. Rappelons que le rôle des voisins est très important. Il est essentiel qu’ils appellent la police en cas de soupçons de violence. Les victimes peuvent évidemment quitter précipitamment le domicile, soit le lieu de confinement, pour demander de l’aide depuis l’extérieur.»

Hausse de divorces en Chine

La quarantaine dont commencent à sortir les Chinois laissera des traces: il semble que de nombreux couples n’aient pas résisté à la promiscuité. Selon le quotidien chinois Global Times, le nombre de demandes de divorce a explosé dans tout le pays immédiatement après la levée des mesures de confinement. Pour certains, il s’agissait de séparation «coup de tête», sur laquelle ils revenaient ensuite, mais pour la plupart, l’épidémie a eu raison de leur couple.

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