C’était une image rarissime! Pas moins de quatre conseillers fédéraux – la présidente Simonetta Sommaruga, Alain Berset, Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin – sont venus présenter les nouvelles mesures pour lutter contre la propagation du coronavirus. Et celles-ci reflètent cette présence gouvernementale massive, car elles sont pour le moins draconiennes: fermeture partielle de la frontière côté tessinois, interdiction de toutes les manifestations publiques de plus de 100 personnes jusqu’à fin avril, fermeture des écoles et restriction sensible des activités de loisirs. Les restaurants, bars et discothèques peuvent rester ouverts, mais à condition de ne pas accueillir plus de 50 personnes. Pour le tourisme valaisan, le couperet est tombé lorsque le ministre de la Santé, Alain Berset, l’a dit sans la moindre ambiguïté. Pour les stations de ski, la saison est terminée.

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Une courbe exponentielle

C’était attendu, et surtout craint. Les chiffres des cas de coronavirus grimpent désormais de manière exponentielle. Il y en avait déjà plus de 1100 lorsque le Conseil fédéral a siégé ce vendredi matin. Et 25 professionnels – travaillant dans les hôpitaux universitaires comme dans les EPF – au front de l’épidémie ont tiré la sonnette d’alarme dans une lettre ouverte adressée au Conseil fédéral. Ces derniers temps, ils ont constaté que la courbe suisse des cas suivait celle de l’Italie, mais avec un écart d’une douzaine de jours. Cette semaine, le nombre de cas a commencé à grimper de manière vertigineuse, doublant environ tous les deux jours.

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C’est désormais le mot d’ordre. Il faut absolument infléchir cette courbe et l’aplatir au maximum afin de ne pas surcharger les infrastructures sanitaires, ce qui permettra de sauver des vies. «Chaque jour compte», ont-ils écrit. «Il est grand temps pour le Conseil fédéral de décréter l’état de situation extraordinaire.»

Cet état-là représente le troisième et dernier stade de la gravité d’une épidémie selon la loi. Celui où le Conseil fédéral s’arroge tous les pouvoirs pour gérer la crise. En rédigeant sa nouvelle ordonnance, le gouvernement a pour l’instant renoncé à y recourir.


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Le retour des contrôles à la frontière

Mais dans les faits, il enclenche bel et bien la vitesse supérieure en reprenant de nombreux éléments du plan d’action du Conseil d’Etat tessinois, qui a en quelque sorte ouvert la voie mercredi dernier. Il commence par prendre une mesure que ce canton réclame à cor et à cri: une fermeture partielle de la frontière au sud des Alpes. Au nom du droit d’urgence figurant dans la Constitution, il réintroduit avec effet immédiat des contrôles Schengen à la frontière. Cela ne concerne que «les pays à risque», soit l’Italie en l’occurrence.

Tous les touristes et autres personnes tentant de venir se faire soigner en Suisse seront refoulés. En revanche, les 68 000 frontaliers qui font tourner l’économie tessinoise peuvent continuer à venir travailler. Pour le moment, le Conseil fédéral ne compte pas aller plus loin, même si l’UDC souhaite que la Suisse n’accueille plus que les frontaliers – environ 5000 – qui sont actifs dans le secteur sanitaire. «Ce serait très délicat d’opérer un choix entre les secteurs économiques», a justifié la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), Karin Keller-Sutter.

Ecoles: le revirement du Conseil fédéral

Pour le reste, le Conseil fédéral a pris une mesure que l’on n’attendait pas de sa part: la fermeture des écoles obligatoires jusqu’au 4 avril prochain. La mesure a surpris car, ces derniers temps, Daniel Koch, le chef de la division des maladies transmissibles de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), s’y était toujours opposé. Il craignait que les grands-parents n’attrapent le virus en gardant les enfants d’un couple dont les deux parents travaillent.

Ces derniers jours, plusieurs événements ont cependant changé la donne. «Une étude du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies a recommandé cette mesure», a expliqué Alain Berset. Sans oublier que l’Italie comme la France viennent de l’adopter.

Rapides mesures d'accompagnement

Cette fermeture des classes ne sera pas facile à mettre en place, car elle nécessite de rapides mesures d’accompagnement qui devront être prises par les cantons. Pour les enfants de parents actifs professionnellement, le Tessin a promis d’ouvrir des garderies mardi prochain déjà. Un pari qui sera difficile à relever.

La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga, l’a souligné. «La situation est sérieuse et difficile à gérer. Mais nous avons les moyens d’y faire face, aussi bien sur le plan sanitaire que financier», a-t-elle assuré. L’heure est à la solidarité de toutes et de tous. «Ces mesures n’ont de sens que si tout le monde prend ses responsabilités au sein de notre société», a-t-elle insisté.

Malgré des mesures qu’il sait «draconiennes», le Conseil fédéral a estimé qu’il n’y avait pas lieu «d’avoir peur», et encore moins de «paniquer». Pas besoin donc de se ruer dans les magasins pour faire des provisions. C’est pourtant ce qui s’est parfois produit, à en croire les réseaux sociaux. Ce vendredi, c’était toute l’ambiguïté du message du Conseil fédéral.