Nous sommes dans un petit coin de paradis, au bord du lac Ceresio et au pied du mont Caslano, à une dizaine de kilomètres de Lugano. C’est ici, dans ce paysage enchanteur où les Tessinois et les touristes s’adonnent à la randonnée, au canot et à la baignade, entre le stationnement et le départ des sentiers pédestres, que de nouvelles toilettes publiques d’un style un peu particulier ont été inaugurées le 9 juin.

Le WC en question est «spacieux», «sans odeur», «agréable» et même «zen», selon les vacanciers alémaniques et italiens interrogés à leur sortie et qui s’émerveillent lorsqu’ils apprennent que celui-ci n’emploie ni eau, ni électricité, ni produits chimiques et est indépendant des canalisations d’égouts. «Cela faisait longtemps que la population nous sollicitait pour qu’un tel service soit accessible et cette solution nous a semblé faite sur mesure pour l’endroit», explique Pierre Signorini, conseiller communal de Caslano, une bourgade de 4000 habitants.

Pas de chasse d’eau

Le politicien apprécie non seulement le caractère écologique de la toilette, mais aussi l’élégance de son design. «La construction en bois et autres matériaux de première qualité s’harmonisent formidablement avec l’environnement.» A la commune, tous étaient très enthousiastes, la seule inconnue étant son fonctionnement, admet Pierre Signorini. «C’est pour cela que nous ne l’avons pas inaugurée en grand.» Après plus d’un mois de fonctionnement, la commune tire un bilan positif.

A ses côtés, Tony Colangelo est tout sourire. Avec Giuliano Greco, l’entrepreneur est à la tête de l’entreprise Convert Green, qui promeut les technologies amies de l’environnement et est le revendeur exclusif de la toilette Kazuba en Suisse. La commune de Caslano est son premier client. Tous les trois ou quatre jours, Tony Colangelo vient faire sa petite promenade autour des toilettes. Ce projet est comme son enfant, ose-t-il déclarer.

Fièrement, il fait visiter la cabine. L’intérieur est sobre: une toilette à l’occidentale, du papier et un gel antiseptique pour se nettoyer les mains. Pas de chasse d’eau, ni de robinet. La cuvette aspire l’air, éradiquant toute mauvaise odeur. L’éclairage, naturel, est assuré par quelques centimètres d’ouverture au bas de l’habitacle. Du coup, à cause d’un effet optique, impossible de voir ce qu’il y a à l’intérieur de la cuvette.

Tony Colangelo explique que les liquides et les solides sont d’emblée séparés à l’aide d’un genre de panier-filtre. «Les premiers s’évaporent avec la chaleur, s’élevant à 50-60 degrés Celsius, produite grâce à un extracteur situé en haut de la structure et qui est stimulé à la moindre brise. Quant aux matières fécales, elles se déshydratent, leur volume se réduisant jusqu’à 90%.»

Concept africain

Si le WC est fréquenté une trentaine de fois par jour, il suffira qu’un camion vienne tous les deux mois ramasser ce qui reste de déchets pour les porter à la décharge communale. «C’est très peu, si l’on considère que les toilettes chimiques conventionnelles doivent être vidées tous les trois jours», souligne l’entrepreneur.

Le concept de la Kazuba, qui veut dire «dieu du soleil» dans un dialecte africain, vient d’Afrique du Sud. De jeunes Français l’ont réinventé, il y a dix ans, pour l’adapter aux standards européens. Avant de se lancer dans l’aventure, Tony Colangelo a visité le site de production à Arles et une dizaine de toilettes dans le sud de la France. «A Montpellier, par exemple, il y en a plusieurs sur les plages, chacune pouvant accueillir jusqu’à 400-500 personnes quotidiennement.»

Trois modèles sont disponibles, leur prix s’échelonnant entre 10 000 et 20 000 francs. «Ces frais incluent les matériaux, le transport, les plans et l’installation qui s’effectue en 48 heures», précise le distributeur. Le premier modèle est petit et discret, le second est prévu pour un usage intensif et peut être adapté pour accueillir les fauteuils roulants, et le dernier, plus robuste, est conçu pour supporter des conditions climatiques rigoureuses.

A ce jour, plus de 700 toilettes Kazuba ont été installées en Europe, dans des campings, parcs nationaux, infrastructures sportives, aires de jeux, potagers urbains, près de plans d’eau ou de pistes cyclables. Bientôt, avec les Kazuba en Suisse, elles seront plus de 703 puisque pour fin juillet, le canton de Bâle vient d’en commander deux. Le début d’une révolution?