Wegelin & Co sous le feu de la justice américaine
différend fiscal
Le Département de la justice va poursuivre directement la banque st-galloise, après avoir déjà accusé trois de ses employés
Jusqu’ici décrite sous le terme de «Swiss Bank A» dans les documents d’accusation des autorités américaines, Wegelin & Co a été formellement inculpée jeudi par le Département de la justice. L’annonce fait monter d’un cran la pression exercée par les Etats-Unis sur la place financière suisse. Le 3 janvier, trois employés de la banque privée saint-galloise avaient certes déjà été inculpés par le procureur du district sud de New York, mais l’établissement ne faisait pas lui-même l’objet de poursuites. Il s’agit de la première inculpation d’une banque suisse, faisait valoir le Département américain de la justice sur son site.
A titre de comparaison, UBS avait fait l’objet en février 2009 d’un accord sur la suspension des poursuites (Deferred prosecution agreement), contre le paiement de 780 millions de dollars et la transmission des premiers 250 noms aux autorités américaines.
L’inculpation de Wegelin & Co surprend aussi du fait qu’elle intervient une semaine après que l’établissement a revendu l’essentiel de ses activités regroupées sous le nom de Banque privée Notenstein au groupe Raiffeisen. L’action n’avait rien de prévisible, jugent plusieurs observateurs. Hier, Martin Naville, directeur de la Chambre de commerce Etats-Unis-Suisse, s’est dit «énormément surpris» par cette décision.
De son côté, Carlo Lombardini, avocat au barreau de Genève, relève qu’«ils se sont attaqués en premier à Wegelin car elle était la plus ancienne banque de Suisse», ce qui revêt un caractère symbolique. Selon lui, il s’agit «d’une exécution à petit feu de la place financière suisse».
Autre élément surprenant: selon nos informations, Wegelin & Co n’avait pas reçu de menaces préalables de la part de la justice américaine visant à l’inciter à conclure un accord à l’amiable. Dès lors, qu’est-ce qui a poussé la justice américaine à franchir un tel pas?
Certainement sa conviction que la direction de Wegelin & Co a été impliquée dans la décision de récupérer les anciens clients d’UBS qui fuyaient la première banque helvétique dès l’été 2008. «A la suite de l’enquête de l’autorité fiscale de l’IRS, des membres du senior management de Wegelin & Co ont décidé de récupérer les activités illégales abandonnées par UBS», souligne le document. «Ils n’ont pas été découragés par les avertissements clairs et nets qu’ils ont reçus lorsque UBS faisait l’objet d’une enquête pour des pratiques identiques», écrit Preet Bharara, le procureur du district sud de New York. Il est aussi reproché aux banquiers d’avoir recouru à un site, www.swissprivatebank.com, pour séduite les clients.
Dans la NZZ, Oswald Grübel, l’ex-directeur d’UBS, jugeait hier que les banques qui ont tenté de récupérer des clients d’UBS ont commis «une grande erreur d’appréciation».
Convoqués à se présenter devant le juge du district sud de New York le 10 février, les trois banquiers de Wegelin & Co encourent une peine allant jusqu’à trois ans de prison et une amende de 250 000 dollars. La banque s’expose, elle, à une amende de 500 000 dollars ou à payer deux fois le montant du gain réalisé grâce à ses activités illégales sur sol américain. Quant aux six associés restants de Wegelin & Co, ils devraient éviter de se rendre aux Etats-Unis, voire de quitter la Suisse tant que l’affaire ne sera pas réglée, selon un connaisseur de ce type de procédures.
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